Témoignage de Mr. J. Bruce Ismay.
Mr. J. Bruce Ismay, ayant dûment prêté serment devant le président, a témoigné comme suit :
Sénateur SMITH. Mr. Ismay, dans le but de simplifier cette audition, je vous poserai quelques questions préliminaires.
En premier lieu, veuillez donner vos noms en intégralité, s’il vous plaît ?
Mr. ISMAY. Joseph Bruce Ismay.
Sénateur SMITH. Et votre lieu de résidence ?
Mr. ISMAY. Liverpool.
Sénateur SMITH. Et votre âge ?
Mr. ISMAY. J’aurai 50 ans le 12 décembre.
Sénateur SMITH. Et votre occupation ?
Mr. ISMAY. Armateur.
Sénateur SMITH. Êtes-vous cadre de la White Star Line ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. En quelle qualité ?
Mr. ISMAY. Directeur général.
Sénateur SMITH. En tant que cadre, avez-vous été officiellement désigné pour participer au voyage inaugural du Titanic ?
Mr. ISMAY. Non.
Sénateur SMITH. Étiez-vous un passager volontaire ?
Mr. ISMAY. Un passager volontaire, oui.
Sénateur SMITH. Où avez-vous embarqué sur le navire ?
Mr. ISMAY. À Southampton.
Sénateur SMITH. À quelle heure ?
Mr. ISMAY. Je pense qu’il était 9 h 30 du matin.
Sénateur SMITH. Quel jour ?
Mr. ISMAY. Le 10 avril.
Sénateur SMITH. Le port de destination était New York ?
Mr. ISMAY. New York.
Sénateur SMITH. Auriez-vous l’obligeance de raconter au comité les circonstances entourant votre voyage, et, aussi succinctement que possible, en commençant avec votre embarquement sur le navire à Liverpool, votre place sur le bateau durant le voyage, ainsi que toutes autres circonstances dont vous jugez qu’elles pourraient nous être utiles dans notre enquête ?
Mr. ISMAY. En premier lieu, je voudrais exprimer mes sincères regrets au sujet de cette catastrophe déplorable.
J’ai compris que vous, messieurs, avez été nommés comme comité par le Sénat pour enquêter sur ces circonstances. En ce qui nous concerne, nous nous en félicitons. Nous souhaitons l’enquête la plus exhaustive. Nous n’avons rien à dissimuler ; rien à cacher. Le navire a été construit à Belfast. Il représentait la dernière avancée en matière de construction navale ; absolument aucun coût n’avait été épargné pour sa construction. Il n’était pas construit sur contrat. Il était simplement construit contre commission.
Il a quitté Belfast, pour autant que je m’en souvienne – je ne suis pas absolument certain de ces dates – je pense que c’était le 1er avril.
Il a passé des essais, qui ont été tout à fait satisfaisants. Il est ensuite parti pour Southampton ; pour y arriver le mercredi.
Sénateur SMITH. Pouvez-vous nous décrire les essais qu’il a passés ?
Mr. ISMAY. Je n’étais pas présent. Il est arrivé à Southampton le mercredi 3, je crois, et a appareillé le 10. Il a quitté Southampton à midi. Il est arrivé à Cherbourg ce soir-là, ayant filé jusqu’à 68 révolutions.
Nous avons quitté Cherbourg et nous sommes dirigés vers Queenstown. Nous y sommes arrivés, je crois, le jeudi vers midi.
Nous avons navigué de Cherbourg à Queenstown à 70 révolutions.
Après avoir embarqué le courrier et les passagers, nous sommes repartis à 70 révolutions. Je ne sais pas exactement quelle distance a été parcourue le premier jour, soit 464 miles, soit 484 miles.
Le deuxième jour, nous avons accru le nombre de révolutions. Je crois que ce nombre était de 72 le deuxième jour. Je pense que nous avons parcouru 519 miles ce jour-là.
Le troisième jour, le nombre de révolutions a été augmenté à 75, et je crois que nous avons parcouru 546 ou 549 miles.
Le temps durant cette période était au beau fixe, à l’exception, je pense, de 10 minutes de brouillard un soir.
L’accident est survenu dans la nuit du dimanche. À quelle heure exactement, je ne sais pas. J’étais moi-même au lit, endormi, lorsque l’accident s’est produit.
Le navire a coulé, à ce que l’on m’a dit, à 2 h 20.
Voici, monsieur, tout ce que je pense pouvoir vous dire.
J’ai cru comprendre qu’il a été dit que le navire allait à pleine vitesse. Le navire n’a jamais atteint sa pleine vitesse. La pleine vitesse du navire était de 78 révolutions. Il pouvait monter jusqu’à 80. Pour autant que je le sache, il n’a jamais dépassé les 75 révolutions. Toutes ses chaudières n’étaient pas allumées. Aucune des chaudières à simple foyer n’était en service.
Nous avions l’intention, si nous avions eu beau temps le lundi après-midi ou le mardi, de pousser le navire à pleine vitesse. Ceci, à cause de cette malheureuse catastrophe, ne s’est jamais fait.
Sénateur SMITH. Voulez-vous décrire ce que vous avez fait après l’impact ou la collision ?
Mr. ISMAY. Je suppose que l’impact m’a réveillé. Je suis resté au lit un moment, sans réaliser, probablement, ce qui s’était passé. Finalement je me suis levé et ai marché le long de la coursive où j’ai rencontré un des stewards, et ai demandé, « Que s’est-il passé ? » Il a dit, « Je ne sais pas, monsieur. »
Je suis retourné dans ma cabine, ai mis un manteau, et suis parti sur la passerelle, où j’ai trouvé le capitaine Smith. Je lui ai demandé ce qui s’était passé, et il m’a répondu, « Nous avons heurté de la glace. » J’ai dit, « Pensez-vous que le navire est sérieusement endommagé ? » Il m’a répondu, « Je crains que oui. »
Je suis redescendu, je crois que c’est ça, et j’ai rencontré Mr. Bell, le chef mécanicien, qui était dans l’escalier principal. Je lui ai demandé s’il pensait que le navire était sérieusement endommagé, et il m’a dit qu’il le pensait, mais était tout à fait convaincu que les pompes le maintiendraient à flot.
Je pense que je suis retourné sur la passerelle. J’ai entendu donner l’ordre de préparer les canots. J’ai marché du côté tribord du navire, où j’ai rencontré l’un des officiers. Je lui ai dit de sortir les canots –
Sénateur SMITH. Quel officier ?
Mr. ISMAY. Je n’arrive pas à m’en souvenir, monsieur.
J’ai aidé, du mieux que je le pouvais, à sortir les canots et à y placer les femmes et les enfants.
Je suis resté sur ce pont pratiquement jusqu’à ce que je quitte le navire dans le canot pliant tribord, qui fut le dernier à partir, pour ce que j’en sais. Au-delà de ça, je ne sais rien.
Sénateur SMITH. Le capitaine est-il resté sur la passerelle ?
Mr. ISMAY. Ça je ne saurais vous le dire, monsieur.
Sénateur SMITH. L’avez-vous quitté sur la passerelle ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. La première déclaration qu’il vous a faite était qu’il pensait qu’il était sérieusement endommagé ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Et la déclaration faite ensuite par le chef mécanicien était de quel ordre ?
Mr. ISMAY. Du même effet.
Sénateur SMITH. Du même effet ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Mais il espérait que les pompes le garderaient à flot ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Avez-vous eu une quelconque conversation avec un officier autre que le capitaine ou le chef mécanicien et le steward que vous avez rencontré ?
Mr. ISMAY. Pas que je m’en souvienne.
Sénateur SMITH. Les officiers semblaient-ils connaître le caractère sérieux de la collision ?
Mr. ISMAY. Je ne peux le dire, monsieur, car je ne me suis pas entretenu avec eux.
Sénateur SMITH. Un officier vous a-t-il dit que l’affaire n’était de toute évidence pas sérieuse ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Tous les officiers à qui vous avez parlé exprimaient-ils la même peur, disant que c’était sérieux ?
Mr. ISMAY. Je n’ai parlé à aucun d’entre eux, monsieur.
Sénateur SMITH. À part le capitaine ?
Mr. ISMAY. À part le capitaine et le chef mécanicien. J’ai déjà déclaré que je leur avais parlé, mais à aucun officier dans mes souvenirs.
Sénateur SMITH. Vous êtes allé sur la passerelle immédiatement après être retourné dans votre cabine ?
Mr. ISMAY. Après avoir mis un manteau, je suis monté sur la passerelle.
Sénateur SMITH. Et vous y avez trouvé le capitaine ?
Mr. ISMAY. Le capitaine y était.
Sénateur SMITH. Dans quelle partie du navire étaient vos quartiers ?
Mr. ISMAY. Mes quartiers étaient sur le pont B, juste à l’arrière de la descente principale.
Sénateur SMITH. Je voudrais que vous me décriviez l’endroit précis.
Mr. ISMAY. Le sun-deck est le pont le plus élevé. Ensuite nous avons ce que nous nommons le pont A, qui est le pont suivant, puis le pont B.
Mr. UHLER. Le deuxième pont à passagers ?
Mr. ISMAY. Nous transportons quelques passagers sur le pont A. Je pense qu’il y a un diagramme qui vous montrera ces ponts. Le voici, et voici la cabine que j’occupais [indique sur un plan].
Sénateur SMITH. Quel était le numéro de cette cabine ?
Mr. ISMAY. J’occupais la cabine B-52.
Sénateur SMITH. Vous aviez la suite ?
Mr. ISMAY. J’avais la suite ; je dormais dans cette pièce [indique sur le plan], concrètement.
Sénateur SMITH. Savez-vous s’il y avait des passagers sur ce pont ?
Mr. ISMAY. Je n’en ai aucune idée, monsieur.
Sénateur SMITH. Vous dîtes que ce voyage était une initiative de votre part ?
Mr. ISMAY. Absolument.
Sénateur SMITH. Pour voir le navire en action, ou aviez-vous quelque chose à faire à New York ?
Mr. ISMAY. Rien du tout ne m’attirait à New York. J’y ai été amené par le cours naturel des choses, comme cela se fait lorsqu’un nouveau navire fait sa première traversée, pour voir comment il fonctionne, et voir comment nous pourrons améliorer le prochain navire que nous construirons.
Sénateur SMITH. Y avait-il d’autres cadres exécutifs de la compagnie à bord ?
Mr. ISMAY. Non, aucun.
Sénateur SMITH. Y avait-il un inspecteur ou un constructeur à bord ?
Mr. ISMAY. Un représentant des constructeurs était à bord.
Sénateur SMITH. Qui était-ce ?
Mr. ISMAY. Mr. Thomas Andrews.
Sénateur SMITH. En quelle qualité ?
Mr. ISMAY. Je ne vous suis pas vraiment.
Sénateur SMITH. À quel titre se trouvait-il à bord ?
Mr. ISMAY. En tant que représentant des constructeurs, pour vérifier que tout marchait de façon satisfaisante, et aussi pour voir comment améliorer le prochain navire.
Sénateur SMITH. Était-ce un homme de grande expérience ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Avait-il lui-même participé à la construction du navire ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Est-il au nombre des survivants ?
Mr. ISMAY. Malheureusement, non.
Sénateur SMITH. Quel âge avait-il ?
Mr. ISMAY. Il est difficile de juger l’âge d’un homme, comme vous le savez, mais je dirais qu’il avait 42 ou 43 ans. Peut-être que c’était moins. Je ne peux vraiment pas vous le dire.
Sénateur SMITH. Donc, vous étiez le seul cadre exécutif à bord pour représenter la compagnie, en dehors des officiers habituels du navire ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Avez-vous eu l’occasion de discuter avec le capitaine au sujet du mouvement du navire ?
Mr. ISMAY. Jamais.
Sénateur SMITH. Vous a-t-il consulté à ce sujet ?
Mr. ISMAY. Jamais. J’ai peut-être tort en disant cela. J’aimerais peut-être ajouter cela ; je ne sais pas s’il s’agissait vraiment de le consulter, ou qu’il me consulte, mais nous nous étions arrangés pour ne pas tenter d’arriver au bateau-feu de New York avant le mercredi matin à 5 heures.
Sénateur SMITH. C’est ce dont vous aviez convenu ?
Mr. ISMAY. Oui. Mais nous en avions parlé avant de quitter Queenstown.
Sénateur SMITH. Était-il considéré que vous pouviez atteindre New York à ce moment-là sans pousser le navire à sa pleine capacité de marche ?
Mr. ISMAY. Oh, oui, monsieur. Il n’y avait rien à gagner en arrivant à New York plus tôt que cela.
Sénateur SMITH. Vous avez parlé de révolutions au début du voyage.
Mr. ISMAY. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Elles se sont accrues alors que la distance s’accroissait ?
Mr. ISMAY. Le Titanic étant un nouveau navire, nous l’avons rodé graduellement. Quand on sort un nouveau navire on ne le lance naturellement pas à pleine vitesse avant que tout fonctionne de manière fluide et satisfaisante en bas.
Sénateur SMITH. Ai-je bien compris lorsque vous avez dit qu’il avait dépassé 70 révolutions ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur ; il allait à 75 révolutions le mardi.
Sénateur SMITH. Le mardi ?
Mr. ISMAY. Non ; je me trompe – le samedi. Je me suis mélangé dans les jours.
Sénateur SMITH. La veille de l’accident ?
Mr. ISMAY. La veille de l’accident. Ce n’était pas, bien sûr, ne serait-ce que proche de notre vitesse maximale.
Sénateur SMITH. Pendant le voyage, êtes-vous, par votre propre connaissance, au courant de la proximité d’icebergs ?
Mr. ISMAY. Est-ce que je savais que nous étions près d’icebergs ?
Sénateur SMITH. Oui.
Mr. ISMAY. Non, monsieur ; je ne le savais pas. Je sais que des glaces avaient été signalées.
Sénateur SMITH. Des glaces avaient été signalées ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Avez-vous personnellement vu des icebergs, ou tout volume de glace ?
Mr. ISMAY. Non ; pas jusqu’après l’accident.
Sénateur SMITH. Pas jusqu’après le naufrage ?
Mr. ISMAY. Je n’avais jamais vu d’iceberg dans ma vie auparavant.
Sénateur SMITH. Vous n’en avez jamais vu avant.
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Aviez-vous déjà voyagé par cet itinéraire dit « du nord » auparavant ?
Mr. ISMAY. Nous étions sur la route du sud, monsieur.
Sénateur SMITH. Sur cette route de Terre-Neuve ?
Mr. ISMAY. Nous étions sur la longue route du sud ; pas sur la route nord.
Sénateur SMITH. Vous n’étiez pas sur la route de l’extrême nord ?
Mr. ISMAY. Nous étions sur l’itinéraire de l’extrême sud pour les navires se dirigeant vers l’ouest.
Sénateur SMITH. Quelles étaient la longitude et la latitude du navire ? Le savez-vous ?
Mr. ISMAY. Je ne saurais pas vous le dire ; je ne suis pas marin.
Sénateur SMITH. Aviez-vous seulement connaissance de la proximité d’icebergs le samedi ?
Mr. ISMAY. Le samedi ? Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Savez-vous quoi que ce soit sur un message télégraphique de l’Amerika au Titanic ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Disant que l’Amerika avait rencontré des glaces à cette latitude ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Saviez-vous que des icebergs étaient proches le dimanche ?
Mr. ISMAY. Le dimanche ? Non ; je ne le savais pas le dimanche. Je savais que nous entrerions dans la région des glaces dans la nuit.
Sénateur SMITH. Que vous seriez ou que vous étiez ?
Mr. ISMAY. Que nous serions dans la région des glaces dans la nuit du dimanche.
Sénateur SMITH. Avez-vous eu un entretien à ce sujet avec le capitaine ?
Mr. ISMAY. Absolument pas.
Sénateur SMITH. Ou avec un autre officier du navire ?
Mr. ISMAY. Avec aucun officier, monsieur. Cela était totalement hors de ma responsabilité. Je ne suis pas un navigateur. J’étais seulement un passager à bord de ce navire.
Sénateur SMITH. Savez-vous quoi que ce soit à propos du fonctionnement de la télégraphie sans fil à bord de ce navire ?
Mr. ISMAY. Dans quel sens ? Nous avions la radio à bord.
Sénateur SMITH. Aviez-vous pris des précautions inhabituelles pour assurer une réserve d’énergie pour la télégraphie sans fil ?
Mr. ISMAY. Je crois que c’était le cas, mais je n’en sais rien moi-même.
Sénateur SMITH. Savez-vous combien de temps la radio a fonctionné après l’impact ou la collision ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur ; je n’en sais rien.
Sénateur SMITH. Avez-vous, à aucun moment, vu l’opérateur radio ?
Mr. ISMAY. Non, je ne l’ai pas vu.
Sénateur SMITH. Avez-vous tenté d’envoyer vous-même des messages ?
Mr. ISMAY. Non, je n’ai pas essayé.
Sénateur SMITH. Étiez-vous dehors sur le pont, ou sur n’importe quel pont, quand fut donné l’ordre de descendre les canots ?
Mr. ISMAY. J’ai entendu le capitaine Smith en donner l’ordre quand j’étais sur la passerelle.
Sénateur SMITH. Vous avez entendu le capitaine donner l’ordre ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Pouvez-vous nous dire ce qu’il a dit.
Mr. ISMAY. Il m’est très difficile de me souvenir de ce qu’il a dit exactement, monsieur.
Sénateur SMITH. Aussi fidèlement que possible.
Mr. ISMAY. Je sais que je l’ai entendu ordonner de descendre les canots. Je pense que c’est tout ce qu’il a dit. Je pense qu’il a seulement fait le tour et donné l’ordre.
Sénateur SMITH. A-t-il dit quoi que ce soit d’autre, sur la façon de les manœuvrer et de les remplir?
Mr. ISMAY. Non, monsieur ; pas que j’aie entendu. Dès que je l’ai entendu donner l’ordre, j’ai quitté la passerelle.
Sénateur SMITH. Vous avez quitté la passerelle ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu abaisser des canots ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Combien ?
Mr. ISMAY. Certainement trois.
Sénateur SMITH. Voulez-vous nous dire, si vous le pouvez, comment ils étaient descendus ?
Mr. ISMAY. Ils étaient basculés vers l’extérieur, les gens entraient dans les canots depuis le pont, puis ils étaient simplement descendus dans l’eau.
Sénateur SMITH. Ces canots étaient-ils disposés sur plusieurs ponts ?
Mr. ISMAY. Ils étaient tous sur un pont.
Sénateur SMITH. Sur quel pont ?
Mr. ISMAY. Sur le sun-deck ; le pont au-dessus de celui-ci [indique le diagramme]. Je ne crois pas qu’il soit montré sur ce plan.
Sénateur SMITH. C’est-à-dire le deuxième pont au-dessus du vôtre ?
Mr. ISMAY. Sur ce pont ici, sur le plan général [indiquant].
Sénateur SMITH. Sur le sun-deck ?
Mr. ISMAY. Oui ; sur ce que nous appelons le sun-deck ou le pont des embarcations.
Sénateur SMITH. Ils étaient sur le pont des embarcations, qui serait le plus élevé de tous ?
Mr. ISMAY. Le plus élevé de tous, oui.
Sénateur SMITH. Y avait-il un ordre ou une procédure à suivre par les officiers pour le chargement de ces canots ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Je voudrais que vous nous en expliquiez la teneur.
Mr. ISMAY. Ceci, je ne pourrais vous le dire. Je ne pourrais parler que de ce que j’ai vu de mes propres yeux.
Sénateur SMITH. C’est tout ce que j’attends de vous.
Mr. ISMAY. Les canots où j’étais étaient sous la responsabilité d’un officier et étaient chargés puis descendus.
Sénateur SMITH. Ils mettaient d’abord des hommes dans les canots pour les commander ?
Mr. ISMAY. Nous mettions quelques gens du navire.
Sénateur SMITH. Des gens du navire ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Combien ?
Mr. ISMAY. Je suis incapable de vous le dire.
Sénateur SMITH. Environ combien ?
Mr. ISMAY. Je ne pourrais le dire.
Sénateur SMITH. Environ trois ou quatre ?
Mr. ISMAY. L’officier qui était présent sera en mesure de vous rapporter l’information, monsieur. Toute déclaration de ma part ne serait qu’hypothétique. Son avis serait fiable.
Sénateur SMITH. Dans le canot dans lequel vous êtes parti, combien d’hommes étaient présents ?
Mr. ISMAY. Quatre
Sénateur SMITH. En plus de vous ?
Mr. ISMAY. Je croyais que vous parliez de l’équipage.
Sénateur SMITH. Je parlais de l’équipage.
Mr. ISMAY. Il y avait quatre hommes d’équipage.
Sénateur SMITH. Quelle position occupaient-ils ?
Mr. ISMAY. Je ne sais pas, monsieur.
Sénateur SMITH. Certains d’entre eux étaient-ils officiers ?
Mr. ISMAY. Non.
Sénateur SMITH. Ou marins ?
Mr. ISMAY. Je crois que l’un d’entre eux était quartier-maître.
Sénateur SMITH. L’un d’entre eux était quartier-maître ?
Mr. ISMAY. Je crois, mais je n’en suis pas sûr.
Sénateur SMITH. Vous avez vu vous-même trois canots descendre ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Et les trois être chargés ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Alors qu’on les chargeait, un ordre a-t-il été donné sur la façon dont il fallait procéder ?
Mr. ISMAY. Non.
Sénateur SMITH. Comment se fait-il que les femmes ont été mises en premier dans les canots ?
Mr. ISMAY. L’ordre naturel veut que les femmes et les enfants passent en premier.
Sénateur SMITH. Était-ce l’ordre ?
Mr. ISMAY. Oh, oui.
Sénateur SMITH. Qui a été suivi ?
Mr. ISMAY. Autant que possible.
Sénateur SMITH. Pour autant que vous l’ayez observé ?
Mr. ISMAY. Pour autant que je l’aie observé.
Sénateur SMITH. Et est-ce que toutes les femmes et les enfants ont été embarqués dans les canots ?
Mr. ISMAY. Je ne pourrai vous le dire, monsieur.
Sénateur SMITH. Combien de passagers se trouvaient sur le canot avec lequel vous êtes parti ?
Mr. ISMAY. Je dirais 45.
Sénateur SMITH. Quarante-cinq ?
Mr. ISMAY. Selon mes souvenirs.
Sénateur SMITH. Était-ce la capacité maximale ?
Mr. ISMAY. Pratiquement.
Sénateur SMITH. Et pour les deux autres canots ?
Mr. ISMAY. Les trois autres, je pense, étaient convenablement chargés.
Sénateur SMITH. Les trois en plus de celui dans lequel vous étiez ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Ils étaient plutôt bien remplis ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Y a-t-il eu lutte ou bousculade ?
Mr. ISMAY. Je n’en ai pas vu.
Sénateur SMITH. Ou des hommes qui auraient tenté d’y monter ?
Mr. ISMAY. Je n’en ai pas vu.
Sénateur SMITH. Est-ce que ces passagères étaient désignées pour y monter ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Celles qui étaient les plus proches des canots étaient embarquées ?
Mr. ISMAY. Nous choisissions simplement les femmes et les faisions embarquer.
Sénateur SMITH. Vous les choisissiez dans la foule ?
Mr. ISMAY. Nous prenions les premières qui venaient et les mettions dans les canots. J’y étais moi-même et j’y en ai mis beaucoup.
Sénateur SMITH. Vous en avez aidé certaines à monter ?
Mr. ISMAY. J’en ai fait embarquer un bon nombre.
Sénateur SMITH. Les enfants étaient-ils traités avec la même considération que les femmes ?
Mr. ISMAY. Absolument.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu un canot sans son effectif de rameurs ?
Mr. ISMAY. Pas du tout.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu descendre le premier canot ?
Mr. ISMAY. Je ne pourrais pas répondre à ça, monsieur. J’ai vu descendre le premier canot sur tribord. Je n’ai aucune connaissance de ce qui se passait à bâbord.
Sénateur SMITH. Il a été sous-entendu, Mr. Ismay, que le premier canot ne contenait pas assez d’hommes pour le manœuvrer.
Mr. ISMAY. Là-dessus je n’ai aucune connaissance, monsieur.
Sénateur SMITH. Et que des femmes furent obligées de ramer.
Mr. HUGHES. C’était le deuxième canot, Sénateur.
Sénateur SMITH. Le second canot ; et que les femmes durent ramer de 22 h 30 à 7 h 30 le matin suivant.
Mr. ISMAY. L’accident ne s’est pas produit avant 23 heures –
Sénateur SMITH. Bon, de 23 h 30 à entre 6 et 7 heures le matin suivant.
Mr. ISMAY. Je ne sais rien de cela.
Sénateur SMITH. Jusqu’à ce que le Carpathia les récupère. Saviez-vous cela ?
Mr. ISMAY. Absolument pas, monsieur.
Sénateur SMITH. Aussi loin que vous portent vos observations, diriez-vous qu’il n’en a pas été ainsi ?
Mr. ISMAY. Je ne dirais ni oui ni non ; mais je ne l’ai pas vu.
Sénateur SMITH. Lorsque vous êtes allé pour la première fois sur le pont, vous n’étiez que partiellement vêtu ?
Mr. ISMAY. C’est exact, monsieur.
Sénateur SMITH. Et, si je comprends bien, vous avez erré jusqu’à rencontrer un officier ou un steward ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Puis vous êtes rentré ?
Mr. ISMAY. C’est exact.
Sénateur SMITH. Combien de temps êtes-vous resté sur le navire après la collision ?
Mr. ISMAY. Il est très difficile de répondre à cette question, monsieur. Pratiquement jusqu’au moment – presque jusqu’à ce qu’il coule.
Sénateur SMITH. Combien de temps fallait-il pour préparer et charger un canot ?
Mr. ISMAY. Je ne peux pas répondre à cela.
Sénateur SMITH. Pouvez-vous émettre une approximation ?
Mr. ISMAY. Il m’est impossible de juger du temps. Je ne pourrais pas répondre.
Sénateur SMITH. Étiez-vous encore sur le Titanic une heure après la collision ?
Mr. ISMAY. Oh, oui.
Sénateur SMITH. Combien de temps après ?
Mr. ISMAY. Je dirai une heure et quart.
Sénateur SMITH. Une heure et quart ?
Mr. ISMAY. Je dirais que c’est ça ; peut-être plus longtemps.
Sénateur SMITH. Avez-vous, pendant ce temps, vu un passager que vous connaissiez ?
Mr. ISMAY. Je ne m’en souviens pas vraiment ; j’ai vu beaucoup de passagers, mais je n’ai pas prêté beaucoup d’attention à qui ils étaient. Je ne me souvins pas d’avoir reconnu aucun d’entre eux.
Sénateur SMITH. Connaissiez-vous Mr. Charles M. Hayes [sic] ?
Mr. ISMAY. Ou, monsieur.
Sénateur SMITH. Étiez-vous au courant de la présence d’autres Canadiens ou Américains importants ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur ; je savais que Mr. Hayes était à bord.
Sénateur SMITH. Vous saviez qu’il était à bord ?
Mr. ISMAY. Oui ; je le connaissais depuis quelques années.
Sénateur SMITH. Mais vous ne l’avez pas vu après l’accident ?
Mr. ISMAY. Je ne l’ai plus revu après l’accident ; non.
Sénateur SMITH. Et il est porté disparu ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Il n’était pas au nombre des rescapés?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Quelles sont les circonstances, Mr. Ismay, de votre départ du navire ?
Mr. ISMAY. Dans quel sens ?
Sénateur SMITH. Le dernier canot auquel vous êtes allé a-t-il quitté le navire près de là où vous étiez ?
Mr. ISMAY. J’étais juste en face du canot quand il est parti.
Sénateur SMITH. Juste en face ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Quelles étaient les circonstances de votre départ ? Je vous demande principalement cela –
Mr. ISMAY. Le canot était là. Il y avait un certain nombre d’hommes dedans, et l’officier a appelé pour savoir s’il y avait d’autres femmes, et il n’y a pas eu de réponse, et il ne restait aucun passager sur le pont.
Sénateur SMITH. Il n’y avait pas de passager sur le pont ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur ; et le canot étant en train d’être descendu, je suis monté dedans.
Sénateur SMITH. À ce moment, le Titanic coulait ?
Mr. ISMAY. Il coulait.
Sénateur SMITH. Où le navire est-il entré en collision ? S’agissait-il d’un choc latéral ?
Mr. ISMAY. Je n’en ai moi-même aucune idée. Je ne peux que vous dire ce que l’on m’a dit, qu’il avait heurté un iceberg quelque part entre l’étrave et la passerelle.
Sénateur SMITH. Redîtes-ceci.
Mr. ISMAY. Entre l’étrave et la passerelle.
Sénateur SMITH. Sur le flanc tribord ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Y avait-il beaucoup d’hommes munis de gilets de sauvetage sur le navire ?
Mr. ISMAY. Presque tous les passagers avaient un gilet de sauvetage.
Sénateur SMITH. Tous ceux que vous avez vus ?
Mr. ISMAY. Tous ceux que j’ai vus avaient un gilet de sauvetage.
Sénateur SMITH. Tous ceux que vous avez vus ?
Mr. ISMAY. Oui ; aussi loin que je m’en souvienne.
Sénateur SMITH. Naturellement, vous vous en souviendriez si vous l’aviez vu ? Quand vous êtes vous-même entré dans le canot, vous dîtes qu’il n’y avait plus de passagers à cet endroit du navire ?
Mr. ISMAY. Aucun.
Sénateur SMITH. Avez-vous, à aucun moment, vu des hommes lutter pour monter dans ces canots ?
Mr. ISMAY. Non.
Sénateur SMITH. Y a-t-il eu une tentative, alors que le canot passait près des ponts inférieurs, pour embarquer plus de passagers ?
Mr. ISMAY. Aucun, monsieur. Il n’y avait pas là de passagers à récupérer.
Sénateur SMITH. Avant d’embarquer dans le canot, avez-vous vu des passagers sauter à la mer ?
Mr. ISMAY. Je n’en ai pas vu.
Sénateur SMITH. Après avoir pris le canot, avez-vous vu des passagers ou membres d’équipages portant des dispositifs de sauvetage à la mer ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Quelle direction a pris le canot dans lequel vous étiez après avoir quitté le navire ?
Mr. ISMAY. Nous avons vu une lumière à une certaine distance que nous avons tenté d’atteindre et que nous pensions être un navire.
Sénateur SMITH. Pouvez-vous nous donner sa direction ?
Mr. ISMAY. Je ne pourrais pas vous la donner.
Sénateur SMITH. Mais vous avez vu une lumière ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Et vous avez tenté de diriger le canot vers cet endroit ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Combien de temps êtes-vous restés en mer dans ce canot ?
Mr. ISMAY. Je dirais pendant quatre heures.
Sénateur SMITH. Y avait-il d’autres canots aux alentours ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Combien ?
Mr. ISMAY. Ça, je ne pourrais y répondre. Je sais qu’il y en avait un, car nous l’avons appelé. Il avait un feu, et nous l’avons appelé, mais n’avons pas eu de réponse.
Sénateur SMITH. Vous n’avez pas eu de réponse ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu des radeaux en mer ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur ; aucun.
Sénateur SMITH. Y avait-il d’autres radeaux sur le Titanic qui auraient pu être utilisés ?
Mr. ISMAY. Je ne crois pas.
Sénateur SMITH. Tous les canots étaient-ils d’un seul type ?
Mr. ISMAY. Non ; il y avait quatre canots pliants.
Sénateur SMITH. Comment étaient les autres ?
Mr. ISMAY. Des canots ordinaires en bois.
Sénateur SMITH. Combien y en avait-il en tout ?
Mr. ISMAY. Je crois qu’il y en avait un total de 20.
Sénateur SMITH. Des deux sortes ?
Mr. ISMAY. Oui. Seize canots de bois et quatre pliants, je pense. Je n’en suis pas absolument certain.
Sénateur SMITH. Quand vous avez atteint le Carpathia, votre canot a-t-il été embarqué à bord du Carpathia ?
Mr. ISMAY. Je ne sais pas cela.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu d’autres canots embarqués sur le Carpathia ?
Mr. ISMAY. Non.
Sénateur SMITH. Quelle méthode fut utilisée pour vous faire monter sur le Carpathia ?
Mr. ISMAY. Nous avons simplement escaladé une échelle de Jacob.
Sénateur SMITH. Quelle était l’état de la mer à ce moment ?
Mr. ISMAY. Il y avait de légères vaguelettes, rien de plus.
Sénateur SMITH. Savez-vous si tous les canots ayant quitté le Titanic ont été retrouvés ?
Mr. ISMAY. Je crois bien. Je ne le sais pas personnellement.
Sénateur SMITH. Je crois qu’il a été suggéré que deux d’entre eux ont été submergés.
Mr. ISMAY. De ça je ne sais rien.
Sénateur SMITH. Vous le sauriez si c’était vrai, n’est-ce pas ?
Mr. ISMAY. Je n’ai eu aucune conversation avec quiconque depuis l’accident à l’exception d’un officier.
Sénateur SMITH. Qui était-ce ?
Mr. ISMAY. Mr. Lightoller. Je n’ai parlé avec aucun membre de l’équipage ou avec quiconque depuis l’accident.
Sénateur SMITH. Quel était le poste de Mr. Lightoller ?
Mr. ISMAY. Il était deuxième officier sur le Titanic.
Sénateur SMITH. Combien d’officiers du navire ont été sauvés ?
Mr. ISMAY. On m’a dit quatre.
Sénateur SMITH. Pouvez-vous me donner leurs noms ?
Mr. ISMAY. Je ne peux pas.
Sénateur SMITH. Ou leur poste ?
Mr. ISMAY. Je ne peux pas. Le seul que je connaisse est Mr. Lightoller, qui était le second officier.
Sénateur SMITH. J’ai cru comprendre qu’ils étaient ici.
Mr. ISMAY. Je le crois ; je ne sais pas.
Sénateur SMITH. Mr. Ismay, que pouvais vous dire au sujet du naufrage et de la disparition du navire ? Pouvez-vous nous décrire la façon dont il a sombré ?
Mr. ISMAY. Je ne l’ai pas vu sombrer.
Sénateur SMITH. Vous ne l’avez pas vu sombrer ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. À quelle distance du navire vous trouviez-vous ?
Mr. ISMAY. Je ne sais pas à quelle distance nous étions. J’étais assis dos au navire. J’ai ramé tout le temps où j’étais dans le canot. Nous nous éloignions.
Sénateur SMITH. Vous ramiez ?
Mr. ISMAY. Oui ; je ne voulais pas le voir sombrer.
Sénateur SMITH. Vous ne souhaitiez pas le voir couler ?
Mr. ISMAY. Non. Je suis heureux de ne pas l’avoir fait.
Sénateur SMITH. Quand vous l’avez vu pour la dernière fois, y avait-il des indications laissant supposer qu’il allait se casser en deux ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
Mr. ISMAY. Je ne saurais vraiment pas le dire. Peut-être dix minutes après l’avoir quitté. Il m’est impossible de donner une indication de temps. Je ne peux pas le faire.
Sénateur SMITH. Y avait-il une apparente confusion à bord quand vous l’avez vu pour la dernière fois ?
Mr. ISMAY. Je n’ai pas cherché à le voir, monsieur. Je lui tournais le dos. Je n’ai regardé qu’une fois, pour voir son feu rouge – son feu vert plutôt.
Sénateur SMITH. Vous n’avez plus revu le capitaine après l’avoir laissé sur la passerelle ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Avez-vous eu un message de sa part ?
Mr. ISMAY. Rien.
Sénateur SMITH. Savez-vous combien d’opérateurs radio il y avait à bord ?
Mr. ISMAY. Non ; mais je suppose qu’ils étaient deux. Il y en a toujours un de quart.
Sénateur SMITH. Savez-vous s’ils ont survécu ?
Mr. ISMAY. On m’a dit que l’un deux avait survécu, mais je ne sais pas si c’est vrai. Je n’ai pas demandé.
Sénateur SMITH. Certains des membres de l’équipage étaient-ils engagés dans la Marine anglaise ?
Mr. ISMAY. Je ne sais pas, monsieur. Les registres du navire vous le diront.
Sénateur SMITH. Pouvez-vous nous parler d’une quelconque inspection, et des certificats qui ont été produits et remis avant la traversée ?
Mr. ISMAY. Le navire reçoit un certificat de transport des passagers du Board of Trade ; dans le cas contraire, il ne pourrait pas transporter de passagers.
Sénateur SMITH. Savez-vous si ça a été fait ?
Mr. ISMAY. Vous ne pouvez pas naviguer sans ; vous ne pourriez pas en obtenir l’autorisation.
Sénateur SMITH. Savez-vous si le paquebot était équipé de tous les canots nécessaires ?
Mr. ISMAY. S’il ne l’avait pas été, il n’aurait pas navigué. Il n’aurait pas reçu son certificat de transport de passagers ; aussi doit-il avoir été complétement équipé.
Sénateur SMITH. Savez-vous si ces canots étaient les canots qui étaient prévus pour le Titanic ?
Mr. ISMAY. Je ne comprends pas vraiment ce que vous entendez, monsieur. Je ne pense pas que les canots soient construits pour un navire en particulier. Les canots sont construits pour avoir une certaine capacité cubique.
Sénateur SMITH. Je comprends ça ; mais je veux savoir si ces canots furent terminés en même temps que le navire ou si ces canots, ou certains d’entre eux, ont été empruntés à d’autres navires de la White Star Line ?
Mr. ISMAY. Ils n’auraient certainement pas été pris sur un autre navire.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu si le canot dans lequel vous avez quitté le bateau était marqué du nom du Titanic sur le canot ou les rames ?
Mr. ISMAY. Je n’en ai aucune idée. Je suppose que les avirons étaient marqués. Je ne sais pas si le canot était marqué ou pas. C’était un canot pliant.
Sénateur SMITH. Vous souvenez-vous si c’était le cas ?
Mr. ISMAY. Je n’ai pas cherché à savoir si les avirons étaient marqués. Ce serait une précaution naturelle à prendre ?
Sénateur SMITH. Mr. Ismay, savez-vous quelque chose de la construction des chaudières du Titanic ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur ; je n’en sais rien.
Puis-je suggérer, messieurs, si vous désirez plus d’informations sur la construction du navire, sous tous les aspects, ou sa forme, que je serai très heureux de faire venir quelqu’un des chantiers Harland & Wolff pour vous donner les informations dont vous avez besoin ; les plans et tout le reste.
Sénateur SMITH. Nous vous sommes très reconnaissants.
Certains passagers qui ont quitté le navire dans les canots ont suggéré qu’une explosion a eu lieu après la collision. Savez-vous quelque chose à ce propos ?
Mr. ISMAY. Absolument pas.
Sénateur SMITH. Pensez-vous que vous le sauriez si ça c’était produit ?
Mr. ISMAY. Oui ; je pense. Vous voulez dire avant que le navire ne sombre ?
Sénateur SMITH. Oui.
Mr. ISMAY. Absolument.
Sénateur SMITH. Mr. Ismay, savez-vous quoi que ce soit à propos de la turbine du navire ; le nombre de révolutions ?
Mr. ISMAY. Non.
Mr. UHLER. Les machines alternatives, vous dîtes, allaient à 75 ou 72 révolutions à ce moment?
Mr. ISMAY. Oui.
Mr. UHLER. Savez-vous combien de révolutions effectuait la turbine centrale ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur. Ce sont des questions techniques auxquelles d’autres pourront répondre, si vous le souhaitez.
Sénateur NEWLANDS. À quelle vitesse correspondent 75 révolutions ?
Mr. ISMAY. Je dirais environ 21 nœuds.
Sénateur NEWLANDS. À quoi cela correspond-t-il en miles ?
Mr. ISMAY. Le ratio est de 11 à 13 ; je dirais donc 26 miles.
Sénateur NEWLANDS. Mr. Ismay, avez-vous eu quoi que ce soit à voir avec le choix des hommes qui vous ont accompagné dans le dernier canot ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur NEWLANDS. Comment ont-ils été choisis ?
Mr. ISMAY. Je suppose que ce fut l’officier chargé du canot qui s’en est occupé.
Sénateur NEWLANDS. Qui était-ce ?
Mr. ISMAY. Mr. Weyl [sic, Wilde].
Sénateur NEWLANDS. Et quel officier était-il ?
Mr. ISMAY. Chef officier.
Sénateur NEWLANDS. Étaient-ils tirés au hasard ou sélectionnés ?
Mr. ISMAY. Je crois qu’ils étaient juste assignés à des canots.
Sénateur NEWLANDS. Sans distinction ?
Mr. ISMAY. Non ; je suppose qu’ils avaient ce qu’ils appellent, je pense, une liste des canots et de l’équipage. Tout devait être prévu à l’avance.
Sénateur SMITH. Pouvez-vous décrire ces radeaux ?
Mr. ISMAY. Il n’y en avait pas à bord.
Sénateur SMITH. Avez-vous jamais vu des radeaux en service ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Est-ce courant au sein de la White Star Line de transporter des radeaux ?
Mr. ISMAY. Je crois que dans le passé nous embarquions des radeaux.
Sénateur SMITH. Ça n’a pas été fait récemment ?
Mr. ISMAY. Pas dans les navires récents ; non, monsieur.
Sénateur SMITH. Pourquoi ?
Mr. ISMAY. Je suppose qu’ils n’étaient pas considérés comme adaptés.
Sénateur SMITH. Savez-vous quelle était la capacité de remplissage du navire en eau ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Je veux dire, quand il est percé, combien de compartiments pouvaient être remplis en toute sécurité ?
Mr. ISMAY. Je vous demande pardon, monsieur. Je n’ai pas compris la question. Le navire était spécialement construit pour flotter avec deux compartiments pleins d’eau.
Sénateur SMITH. Il était construit pour rester flotter avec deux compartiments remplis d’eau ?
Mr. ISMAY. Le navire était spécifiquement construit pour flotter avec deux compartiments pleins d’eau. Je pense que j’ai raison en disant que peu de navires– peut-être ne devrais-je pas dire cela, mais je continue, maintenant que j’ai commencé – je pense qu’il y a très peu de navires actuels qui peuvent en dire autant.
Quand nous avons construit le Titanic nous avions particulièrement cela à l’esprit. Si ce navire avait heurté un iceberg de face, selon toute probabilité il serait toujours ici aujourd’hui.
Sénateur SMITH. S’il avait heurté l’iceberg de plein fouet, il serait ici maintenant ?
Mr. ISMAY. Je dis que selon toute probabilité, il serait toujours à flot.
Sénateur NEWLANDS. Comment le navire a-t-il heurté l’iceberg ?
Mr. ISMAY. Selon les informations que j’ai reçues, je pense qu’il a heurté l’iceberg par un coup oblique entre la fin du gaillard d’avant et la passerelle du commandant, juste à l’arrière du mât avant, monsieur.
Sénateur SMITH. J’ai cru comprendre que vous avez dit il y a peu de temps que vous ramiez, dos au navire. Si vous ramiez pour vous éloigner du navire, vous deviez naturellement faire face au navire, n’est-ce pas ?
Mr. ISMAY. Non ; dans ces canots certains rament face à la proue du canot et d’autres sont face à la poupe. J’étais assis dos à l’homme qui dirigeait le canot, donc je tournais le dos au navire.
Sénateur SMITH. Vous avez dit que le navire était spécialement construit pour flotter avec deux compartiments remplis d’eau ?
Mr. ISMAY. Oui.
Sénateur SMITH. Votre idée est, donc, que pas deux compartiments n’ont été laissés intacts ?
Mr. ISMAY. Je ne peux répondre, monsieur. Je suis convaincu que plus de deux compartiments étaient remplis. Comme j’ai essayé de vous l’expliquer la nuit dernière, je pense que la quille du navire a été déchirée.
Sénateur NEWLANDS. Le navire comportait 16 compartiments ?
Mr. ISMAY. Je ne peux pas répondre, monsieur.
Sénateur NEWLANDS. Approximativement ?
Mr. ISMAY. Approximativement. Cette information est à votre totale disposition. Nos architectes pourront vous répondre précisément.
Sénateur NEWLANDS. Il était construit pour que si deux de ses compartiments étaient remplis d’eau, il puisse rester à flot ?
Mr. ISMAY. Oui, monsieur ; si deux des plus grands compartiments avaient été remplis d’eau il flotterait encore.
Sénateur SMITH. Mr. Ismay, à quelle heure avez-vous dîné dimanche soir ?
Mr. ISMAY. À 19 h 30.
Sénateur SMITH. Avec qui ?
Mr. ISMAY. Avec le docteur.
Sénateur SMITH. Le capitaine a-t-il dîné avec vous ?
Mr. ISMAY. Il ne l’a pas fait, monsieur.
Sénateur SMITH. Quand vous êtes monté sur la passerelle après la collision, y avait-il de la glace sur les ponts ?
Mr. ISMAY. Je n’ai pas vu du tout de glace, et pas d’icebergs du tout jusqu’au lever du soleil lundi matin.
Sénateur SMITH. Savez-vous si des gens ont été blessés ou tués par la glace sur les ponts ?
Mr. ISMAY. Je ne sais pas, monsieur. J’ai entendu que de la glace avait été trouvée sur les ponts, mais il s’agit seulement de rumeurs.
Sénateur SMITH. Je crois vous l’avoir déjà demandé, mais au cas où il apparaîtrait que non, je vous le demande à nouveau : Femmes et enfants ont-ils tous été sauvés ?
Mr. ISMAY. Je crains que non, monsieur.
Sénateur SMITH. Quelle proportion a été sauvée ?
Mr. ISMAY. Je n’en ai aucune idée. Je n’ai pas demandé. Depuis l’accident, je n’ai posé que peu de questions de quelque sorte.
Sénateur SMITH. Un canot pliant a-t-il coulé, à votre connaissance, après avoir quitté le navire ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur.
Sénateur NEWLANDS. Quel était l’équipement total en canots de sauvetage pour un navire de cette taille ?
Mr. ISMAY. Je ne pourrais vous le dire, monsieur. C’est du ressort des législations du Board of Trade. Il se pourrait qu’il ait dépassé les réglementations du Board of Trade, pour ce que j’en sais. Je ne peux pas répondre à cette question. Quoi qu’il en soit, il avait assez de canots pour obtenir son certificat de transport de passagers, et de fait il devait avoir le bon nombre de canots, selon les règles du Board of Trade britannique, qui, si je comprends bien, sont acceptées dans votre pays. C’est cela, Général?
Mr. UHLER. Oui.
Sénateur SMITH. Mr. Ismay, avez-vous d’une quelconque manière tenté d’influencer ou d’interférer dans les communications entre le Carpathia et les autres stations ?
Mr. ISMAY. Non, monsieur. Je crois que le capitaine du Carpathia est ici, et il vous dira probablement que je n’ai pas quitté ma cabine du moment où je suis arrivé à bord du Carpathia jusqu’à ce que le navire atteigne le quai. Je ne suis pas sorti de la cabine.
Sénateur SMITH. Comment étiez-vous habillé ? Étiez-vous complétement habillé en embarquant dans le canot ?
Mr. ISMAY. Je portais un pyjama, une paire de pantoufles, des vêtements, et un pardessus.
Sénateur SMITH. Combien d’hommes, officiers et équipage, étaient sur ce bateau [NdT, confusion possible entre « canot » et bateau », ici, d’où la réponse d’Ismay] ?
Mr. ISMAY. Il n’y avait pas d’officiers.
Sénateur SMITH. Je veux dire des officiers sur le navire.
Mr. ISMAY. Combien d’officiers il y avait sur le navire ?
Sénateur SMITH. Oui, et combien d’hommes d’équipage ?
Mr. ISMAY. Je crois qu’il y avait sept officiers à bord.
Sénateur SMITH. Et combien pour l’équipage ?
Mr. ISMAY. Je ne connais pas le nombre de membres d’équipage. Il y avait sept officiers – ou neuf officiers ; il y a toujours trois officiers de quart.
Sénateur SMITH. Et combien d’hommes y avait-il sur le canot avec vous ?
Mr. ISMAY. Oh, je ne saurais le dire. Je suppose neuf ou dix.
Sénateur SMITH. Savez-vous qui ils étaient ?
Mr. ISMAY. Je ne sais pas. Mr. [William] Carter, un passager, était l’un deux. Je ne sais pas qui étaient les autres ; des passagers de troisième classe, je crois. En fait, tous les gens du canot, à ce que j’ai vu, étaient des passagers de troisième classe.
Sénateur SMITH. Ont-ils tous survécu, et furent-ils tous embarqués sur le Carpathia ?
Mr. ISMAY. Ils ont tous survécu, oui.
Sénateur SMITH. Vous avez mentionné votre volonté d’apporter au comité toute donnée ou information qui serait nécessaire au sujet de la construction ou de l’équipement du vaisseau ?
Mr. ISMAY. Toute information ou donnée que le comité pourrait souhaiter est à son entière disposition.
Sénateur SMITH. Et vous avez indiqué votre désir de rencontrer l’ensemble de notre comité ?
Mr. ISMAY. Quand vous le voudrez, monsieur.
Sénateur SMITH. Et je suppose que cela inclut les officiers survivants ?
Mr. ISMAY. Certainement, monsieur. Tous ceux que vous voudrez rencontrer seront à votre entière disposition.
Sénateur SMITH. Quels sont vos projets immédiats ?
Mr. ISMAY. Je crois comprendre que cela dépend de vous.
Sénateur SMITH. Je vous remercie, au nom de mes associés et en mon propre nom, d’avoir répondu si promptement ce matin, et pour vos déclarations ; et je vais vous demander de rester à notre disposition pour le reste de la journée.
Pour le confort du capitaine du Carpathia je vais maintenant le convoquer.
Mr. ISMAY. Je suis à tout moment à votre entière disposition, monsieur.
Sénateur SMITH. Le comité a décidé d’appeler le capitaine du Carpathia comme prochain témoin.