Témoignage du Capitaine Arthur Henry Rostron.
Le témoin a prêté serment au président.
Sénateur SMITH. Veuillez donner vos noms et adresse.
Mr. ROSTRON. Arthur Henry Rostron, Woodville, Victoria Road, Crosby, Liverpool.
Sénateur SMITH. Quelle est votre profession, Capitaine ?
Mr. ROSTRON. Marin.
Sénateur SMITH. Depuis quand travaillez-vous dans ce domaine ?
Mr. ROSTRON. Vingt-sept ans.
Sénateur SMITH. Quels grades avez-vous occupés ?
Mr. ROSTRON. Tous les grades de la marine marchande jusqu’à celui de capitaine.
Sénateur SMITH. Dans quelles compagnies et sur quelles lignes ?
Mr. ROSTRON. J’ai tout d’abord été cadet pendant deux ans sur le navire d’entraînement Conway sur la Mersey, Liverpool, après quoi j’ai été dans la marine à voile en tant qu’apprenti sur les navires de Williams & Milligan. J’ai été apprenti pendant trois ans, après quoi je fus second officier, jusqu’à avoir passé mes examens. Ensuite, après avoir eu mon certificat d’officier, je suis devenu officier sur un voilier. J’ai ensuite passé mon brevet de capitaine et ai rejoint la Cunard Steamship Co. en 1895.
Sénateur SMITH. Vous êtes maintenant capitaine du Carpathia ?
Mr. ROSTRON. Je suis maintenant capitaine du Carpathia, de la Cunard Line.
Sénateur SMITH. Depuis combien de temps êtes-vous capitaine du Carpathia ?
Mr. ROSTRON. Mon assignation sur le Carpathia date du 18 janvier.
Sénateur SMITH. De cette année ?
Mr. ROSTRON. De cette année ; oui monsieur.
Sénateur SMITH. Étiez-vous capitaine d’un autre vaisseau auparavant ?
Mr. ROSTRON. Toute l’année dernière, dès le 1er janvier de l’an dernier, j’ai été capitaine du Penonia [sic, en réalité Pannonia NdT].
Sénateur SMITH. De la même compagnie ?
Mr. ROSTRON. De la même compagnie. Jusque-là j’avais été capitaine de quelques cargos plus petits servant entre Liverpool et la Méditerranée.
Sénateur SMITH. Quel jour avez-vous quitté New York avec le Carpathia pour la dernière fois?
Mr. ROSTRON. Le 11 avril.
Sénateur SMITH. Et vers où vous dirigiez vous ?
Mr. ROSTRON. Nous devions rallier Liverpool, Gênes, Naples, Trieste, et Fiume.
Sénateur SMITH. Combien de passagers aviez-vous à bord du Carpathia quand vous avez quitté New York ?
Mr. ROSTRON. Je ne me suis pas préparé à répondre à cela, monsieur. Je ne peux pas vous donner le nombre exact.
Sénateur SMITH. Environ combien ?
Mr. ROSTRON. Cent-cinquante en première ; 50 en seconde ; et entre 560 et 575 en troisième. Tout ceci est approximatif.
Sénateur SMITH. Votre première escale devait être Gibraltar ?
Mr. ROSTRON. Gibraltar ; c’est exact monsieur.
Sénateur SMITH. À quelle heure de la journée avez-vous quitté New York ?
Mr. ROSTRON. À midi jeudi.
Sénateur SMITH. Je voudrais que vous disiez à ce comité ce qui s’est passé depuis ce jour, aussi précisément que vous le savez, jusqu’à présent.
Mr. ROSTRON. Nous avons quitté le quai à midi le jeudi. Nous avons descendu le fleuve, le temps étant beau et clair, et nous avons laissé le pilote à son bateau de pilote et avons passé le phare du Chenal d’Ambrose vers 14 heures. Je ne peux vous donner l’heure exacte, pour le moment, car, en fait, je n’ai pas regardé une seule date ou heure de quelque sorte. Je n’en ai pas eu le temps.
Sénateur SMITH. Je veux dire approximativement ?
Mr. ROSTRON. À partir de ce moment et jusqu’à dimanche à minuit nous avons eu un temps beau et clair, et tout se passait sans incident d’aucune sorte.
À 00 h 35 le lundi, j’ai été informé du signal de détresse urgent émis par le Titanic.
Sénateur SMITH. Par qui ?
Mr. ROSTRON. Par notre opérateur radio, et aussi par le premier officier.
L’opérateur de télégraphie sans fil avait reçu le message et couru jusqu’à la passerelle, il l’a donné au premier officier qui était de quart, avec un officier junior, et ils ont tous deux descendu l’échelle jusqu’à ma porte et m’ont appelé. Je venais juste de me coucher. C’était un signal de détresse urgent du Titanic, demandant une assistance immédiate et me donnant sa position.
La position du Titanic à ce moment était 41° 46’ nord, 50° 14’ ouest. Je ne puis vous donner notre position exacte, mais nous étions alors –
Sénateur SMITH. Avez-vous donné l’heure ?
Mr. ROSTRON. Oui, 00 h 35; c’était l’heure du bord. Je peux vous donner l’heure de New York, si vous préférez ?
Sénateur SMITH. Oui ; faites-le je vous prie.
Mr. ROSTRON. L’heure de New York à 00 h 35 était 22 h 45 dimanche soir.
Immédiatement après avoir eu le message, j’ai donné l’ordre de changer le cap du navire, et immédiatement après avoir donné cet ordre j’ai demandé à l’opérateur s’il était absolument sûr qu’il s’agissait d’un signal de détresse du Titanic. Je le lui ai demandé à deux reprises.
Sénateur SMITH. Quel était ce signal, au juste ?
Mr. ROSTRON. Je ne lui ai pas demandé. Il m’a juste dit qu’il avait reçu un signal de détresse du Titanic, demandant une aide immédiate, et m’a donné sa position ; et il m’a assuré qu’il était tout à fait certain de la teneur du message.
Entre-temps je me suis habillé, et j’ai relevé notre position sur ma carte, et ai établi un cap pour rejoindre le Titanic. Le cap était nord 52 degrés ouest vrai pendant 58 miles à partir de ma position.
J’ai ensuite envoyé chercher le chef mécanicien. Entre-temps, je m’habillais et m’assurais que le navire prenne son cap. Le chef mécanicien est monté. Je lui ai dit de relever les chauffeurs et d’aller aussi vite que possible vers le Titanic, puisqu’il avait des ennuis.
Il a immédiatement couru en bas et m’a dit que mes ordres seraient exécutés aussitôt.
Après cela j’ai donné au premier officier, qui était de quart sur la passerelle, l’ordre de faire cesser tout travail par les hommes sur le pont, le quart sur le pont, et de préparer tous nos canots, sortir le matériel de rechange, et tenir tout cela prêt à être basculé à l’extérieur.
Tout de suite après cela, j’ai envoyé chercher les chefs des différents départements, le médecin anglais, le commissaire, et le chef steward, et ils sont venus dans ma cabine, ou je leur ai donné mes ordres. Je ne sais pas si vous voulez connaître la teneur exacte de ces ordres.
Sénateur SMITH. Si, monsieur ; nous aimerions les entendre.
Mr. ROSTRON. Concrètement, je les ai déjà écrits ici. Nous transportions un médecin anglais, un italien, et un hongrois. Mes ordres étaient les suivants :
Que le médecin anglais, avec ses assistants, reste dans la salle à manger de première classe.
Que le médecin italien, avec ses assistants, reste dans la salle à manger de deuxième classe.
Que le médecin hongrois, avec ses assistants, reste dans la salle à manger de troisième classe.
Que chaque médecin dispose de réserves de médicaments, de stimulants, et de tout ce qui peut subvenir aux besoins immédiats de blessés ou malades probables.
Que le commissaire, avec le commissaire assistant et le chef steward, reçoive les passagers, etc., aux différentes coupées, en supervisant nos propres stewards dans l’accompagnement des passagers du Titanic vers les salles à manger, etc.; et de noter les prénoms et noms des survivants pour les télégraphier.
Que l’inspecteur, les stewards d’entrepont, et le capitaine d’armes contrôlent nos propres passagers d’entrepont et les gardent hors de la salle à manger de troisième classe, et les gardent hors des coursives et du pont pour éviter toute confusion.
Au Chef steward : que tous les hommes disponibles préparent du café, etc., prêt à être servi à tout notre équipage.
Préparer du café, du thé, et de la soupe, etc., dans chaque salle à manger, des couvertures dans les salles à manger, aux coupées, et certaines pour les canots.
De veiller au bien être des rescapés et de subvenir à leurs demandes immédiates.
Que ma cabine et celles des officiers soient rendues disponibles. Les fumoirs, bibliothèques, etc., salles à manger, seront utilisés pour loger les survivants.
Que tous les dortoirs vacants dans l’entrepont soient utilisés pour les passagers du Titanic, et que tous nos passagers d’entrepont soient regroupés.
Que des stewards se placent dans chaque coursive pour rassurer nos propres passagers, si ceux-ci venaient se renseigner sur le bruit de la préparation des canots, etc., ou sur la marche des machines.
À tous j’ai strictement précisé la nécessité d’ordre, de discipline et de tranquillité pour éviter toute confusion.
Au chef et au premier officier : que tous les hommes soient appelés ; reçoivent du café, etc. Que tous les canots soient préparés et affalés.
Que toutes les portes de coupées soient ouvertes.
Que des lumières électriques éclairent les coupées et le côté.
Qu’un palan et des cordes soient accrochés à chaque coupée.
Qu’une chaise pende à chaque coupée, pour remonter les malades et blessés.
Des nacelles. Des échelles de pilote et des sacs à suie en toile à chaque porte, les sacs servant pour les enfants.
Je dois dire que les sacs de toile furent d’une grande aide dans la récupération des bébés et enfants.
Des garants de charge libres aux deux extrémités ; des nœuds de chaises aux bouts, et des boucles sécurisées le long des flancs du navire, pour attacher les canots ou aider les gens à monter.
Des lignes à jet réparties le long des flancs du navire, et des cordes près des coupées pour attacher des gens aux chaises, etc.
Les mats de charge avant, hissés et gréés, et la vapeur aux treuils ; j’ai aussi affecté les officiers aux différents postes et les ai préparés à certaines éventualités.
J’ai ordonné de tirer des fusées de la compagnie à 2 h 45 et tous les quarts d’heure pour rassurer le Titanic.
C’est une copie de ce que j’envoie à ma propre compagnie.
Sénateur SMITH. Nous aimerions que vous en laissiez une copie à notre comité, si vous le pouvez.
Mr. ROSTRON. Oui, monsieur ; je le ferai avec plaisir.
Une autre chose :
Lorsque chaque officier s’assurait que tout était prêt, il me rapportait à la passerelle que tous mes ordres avaient été exécutés, les énumérant, et confirmant que tout était prêt.
C’était à 3 h 45. C’était un quart d’heure avant que nous n’arrivions sur les lieux du drame.
Les détails de tout ce travail, je les ai laissés à quelques officiels, et j’ai le plaisir de dire qu’ils ont été exécutés avec efficacité.
Sénateur SMITH. Je déduis de ce que vous avez dit que vous avez atteint 19 ¼ nœuds dès que vous avez entendu le signal de détresse du Titanic, jusqu’à ce que vous ayez atteint les lieux du désastre ou du naufrage ?
Mr. ROSTRON. Non, nous avons parcouru 58 miles, et ça nous a pris trois heures et demie.
Mr. UHLER. De 00 h 35 à 3 h 45 ?
Mr. ROSTRON. Non ; à 3 h 45 ils m’ont fait leur rapport. Je ne connais pas encore l’heure à laquelle nous sommes arrivés sur les lieux.
J’ai arrêté les machines à quatre heures, et nous étions alors proches du premier canot.
Sénateur SMITH. Poursuivez simplement, à votre manière.
Mr. ROSTRON. Après avoir rencontré les chefs des départements, je suis allé sur la passerelle et y suis resté. Pendant que j’y étais je me suis assuré que mes ordres étaient bien respectés, et que tout ce qui était possible était fait.
À 2 h 40, j’ai vu une lueur, à environ un demi-point à bâbord, et j’ai tout de suite considéré qu’elle venait du Titanic lui-même, et ai fait la remarque qu’il devait être à flot, comme je savais que nous étions assez loin, et qu’elle semblait être assez haute.
Cependant, peu après avoir vu la lueur j’ai aperçu un iceberg à un point à bâbord avant, et j’ai dû virer à bâbord pour me tenir bien à distance. Sachant que le Titanic avait heurté de la glace, bien sûr j’ai dû prendre des mesures et précautions supplémentaires pour me tenir à distance de tout ce qui pouvait ressembler à de la glace.
Entre 2 h 45 et 4 heures, le moment où j’ai stoppé les machines, nous avons dépassé des icebergs de tous côtés et en avons vu droit devant et avons dû modifier notre cap plusieurs fois pour éviter les glaces.
À 4 heures, j’ai stoppé.
À 4 h 10 le premier canot s’est approché de mon flanc.
Avant de prendre le premier canot à mon côté, cependant, j’ai vu un iceberg près de moi, droit devant, et j’ai dû virer à tribord pour m’en éloigner. Et je l’ai récupéré du côté du navire au vent. Je devais éviter cette glace.
Je suis maintenant sur les lieux du drame. Il est 4 h 10 et le premier canot est aligné au bord.
Sénateur SMITH. Vous embarquez ces gens à présent ?
M. ROSTRON. Oui.
Sénateur SMITH. S’il vous plaît, décrivez-le à votre manière.
M. ROSTRON. Nous avons secouru le premier canot, et le canot était dirigé par un officier. J’ai vu qu’il n’avait pas le contrôle total de son canot, et l’officier m’a crié qu’il n’avait qu’un marin à bord, donc j’ai dû manœuvrer le navire pour me rapprocher le plus possible du canot, comme je savais qu’il serait difficile de ramer. Cependant, ils se sont alignés et sont montés sans problème.
Au moment où nous avons reçus les passagers du premier canot, le jour se levait, et j’ai donc pu voir les canots restants tout autour dans une zone d’environ 4 miles. J’ai aussi vu des icebergs tout autour de moi. Il y avait environ 20 icebergs qui allaient de 150 à 200 pieds de haut et de nombreux plus petits ; aussi nombreux étaient ce que nous appelons des « growlers. » On ne peut pas les appeler icebergs. Ils faisaient tous de 10 à 12 pieds de haut et de 10 à 15 pieds de long à la surface de l’eau.
J’ai manœuvré le navire et nous avons progressivement rassemblé les canots. Nous avons récupéré tous les canots et fait embarquer tout le monde vers 8 h 30.
J’étais alors très près de l’endroit où le Titanic a dû sombrer, comme il y avait pas mal de débris que l’on peut difficilement qualifier de débris mais plutôt des petits morceaux de choses brisées, rien qui soit vraiment gros.
À 8 heures, le vapeur de la Leyland Line Californian a fait sonner ses sirènes, et nous avons échangé des messages. Je leur ai donné des informations par sémaphore sur le naufrage du Titanic, et le fait que nous avions tous les passagers des canots ; mais nous n’étions pas tout à fait alors sûrs d’avoir récupéré tous les canots. Je lui ai dit : « Pensons qu’un canot est absent. » Il m’a ensuite demandé s’il devait fouiller les alentours, et j’ai répondu, « Oui, s’il vous plaît. » Il était alors 10 h 50.
Je veux revenir encore en arrière, un petit moment.
À 8 h 30 tous étaient à bord. J’ai fait demander le commissaire de bord, ai lui ai dit que je voulais qu’un office se tienne, une courte prière de remerciement pour les rescapés et un court service office pour ceux qui ont disparu. Je me suis entretenu avec Mr. Ismay. J’ai couru en bas un instant et leur ai dit que je voulais faire cela, et Mr. Ismay a tout laissé entre mes mains.
J’ai ensuite trouvé un clerc épiscopal, l’un de nos passagers, et lui ai demandé s’il pouvait faire cela pour moi, ce qu’il a fait, volontiers.
Pendant que l’office se tenait, j’étais sur la passerelle, évidemment, et je manœuvrais autour des lieux du naufrage. Nous n’avons rien vu à part un corps.
Sénateur SMITH. Qui flottait ?
Mr. ROSTRON. Qui flottait, monsieur.
Sénateur SMITH. Avec un gilet de sauvetage ?
Mr. ROSTRON. Avec un gilet de sauvetage. C’est le seul corps que j’ai vu.
Sénateur SMITH. Était-ce un homme ou une femme ?
Mr. ROSTRON. Un homme. Il m’a semblé être un membre d’équipage. Il n’était qu’à environ 100 yards du navire. Nous pouvions le voir assez distinctement, et avons vu qu’il était tout à fait mort. Il reposait sur le côté comme ceci [montre] et sa tête était à fleur d’eau. Bien entendu, il n’aurait pas pu être vivant dans cette position. Je ne l’ai pas pris à bord. Pour une raison, les passagers du Titanic traînaient alors sur le pont et je ne voulais pas causer d’agitation non nécessaire, ou plus d’hystérie parmi eux, donc j’ai continué à faire route, tentant de faire en sorte qu’ils ne le voient pas.
Des canots, nous avons tiré trois hommes morts, qui étaient morts de froid.
Sénateur SMITH. Des canots ?
Mr. ROSTRON. Des canots ; oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Savez-vous de quels canots ils ont été tirés ?
Mr. ROSTRON. Non, monsieur ; je ne vous donne que les généralités en ce moment.
Nous avons pris trois hommes morts dans les canots, et ils ont été amenés à bord. Un autre a été embarqué – je pense qu’il était de l’équipage – et est mort dans la matinée vers 10 heures, je pense, et, avec les trois autres, ils ont été enterrés à 4 heures de l’après-midi.
Sénateur SMITH. En mer ?
Mr. ROSTRON. En mer.
Sénateur SMITH. Avaient-ils quelque chose sur eux qui puisse permettre de les identifier ?
Mr. ROSTRON. Un de mes propres officiers et les officiers du Titanic ont identifié les corps, autant que possible, et leur ont pris tout ce qui pouvait être le moindre indice ou de la moindre utilité. Rien n’a été laissé à part leurs vêtements. Très peu de choses ont été prises, bien sûr. Mais, concernant les détails, je ne peux pas vous en donner beaucoup. J’ai été trop occupé.
Sénateur SMITH. Vous n’avez pas les noms de ces hommes ?
Mr. ROSTRON. Nous avons les noms.
Sénateur SMITH. Vous ne les avez pas ici avec vous ?
Mr. ROSTRON. Je ne les ai pas avec moi ; non, monsieur.
Sénateur SMITH. Était-ce des hommes ou des femmes ?
Mr. ROSTRON. Des hommes. Il y avait quelques femmes dans les canots. Elles étaient légèrement blessées aux bras, des choses de ce genre, bien sûr ; cependant je dois dire que, dès le tout début, tous ces gens se sont magnifiquement comportés. Alors que chaque canot arrivait sur notre flanc, tout le monde était calme, et ils sont restés parfaitement tranquilles dans leurs canots. Ils étaient calmes et disciplinés, et chacun est monté à l’échelle, ou a été treuillé, dans l’ordre où on le leur disait. Il n’y a eu aucune sorte de confusion parmi les passagers. Ils se sont magnifiquement comportés – chacun d’eux.
Dès qu’ils montaient à bord, bien sûr, on s’occupait d’eux. Mes instructions avaient déjà été données à cet effet.
Sénateur SMITH. Capitaine, combien de canots y avait-il ?
Mr. ROSTRON. Nous avions 15 canots à notre côté contenant des passagers.
Sénateur SMITH. Des deux sortes ?
Mr. ROSTRON. Attendez un instant, s’il vous plaît.
Il y avait quinze canots à notre côté. Nous avons compté les canots qui contenaient des passagers. Il y avait un canot en vue proche du navire, mais il avait été abandonné car il était endommagé, et était sur le point de couler. L’officier avait fait sortir tout le monde de ce canot, et l’avait laissé totalement vide. Il n’y avait personne dedans. Il était vide.
Sénateur SMITH. Quel type de canot était-ce ?
Mr. ROSTRON. C’était un canot. Il avait été endommagé. Nous avions deux radeaux.
Sénateur SMITH. Des canots pliants ?
Mr. ROSTRON. Pas vraiment pliants ; c’est un radeau plat, avec des flancs de toile démontables, d’environ 2 pieds de profondeur.
Sénateur SMITH. Pour contenir combien de personnes ?
Mr. ROSTRON. Un de ces canots pourrait contenir de 60 à 75 personnes confortablement.
Sénateur SMITH. Combien y en avait-il de ce type ?
Mr. ROSTRON. Nous en avons compté deux. Un de ces radeaux a été retrouvé chaviré parmi les débris. Ça en fait trois.
Sénateur SMITH. Alors ces canots étaient vidés, et que leurs occupants étaient embarqués à bord du Carpathia que faisiez-vous des canots ?
Mr. ROSTRON. Les canots étaient gardés à côté.
Sénateur SMITH. Simplement, dans quel état ont-ils été laissés à flot, ou ont-ils été pris sur le pont ?
Mr. ROSTRON. Oui, monsieur ; je vais vous expliquer ça maintenant. Comme les gens en sortaient, nous laissions les canots sur le côté. Bien sûr, beaucoup du matériel avait été évacué des canots et jeté hors du chemin des passagers tandis qu’ils montaient ; donc, alors qu’ils tenaient cet office et pendant que je croisais dans les environs, j’ai fait préparer mes canots, prêts à être abaissés, et tandis qu’ils récupéraient tout le monde à bord depuis les canots, j’ai rassemblé les hommes disponibles et certains de mes officiers, et ai fait rentrer les canots, les ai faits reposer dans leur socles et arrimer, puis ressortir les bossoirs, détacher à nouveau les cordes, et remonter les canots du Titanic. Alors que je voguais dans les environs, je faisais aussi monter ces canots. J’ai fait monter sept des canots du Titanic avec nos bossoirs, et six remontés sur le gaillard d’avant grâce aux grues à l’avant ; donc cela fait 13 canots en tout.
Sénateur SMITH. Qu’avez-vous fait de ces canots ?
Mr. ROSTRON. On les a remontés grâce aux bossoirs.
Sénateur SMITH. Les avez-vous ramenés dans le port ?
Mr. ROSTRON. Oui ; et la nuit dernière, avant d’aller à quai, nous avons fait venir des vedettes et avons descendus tous les canots à l’eau, et ces vedettes les ont emportés. Où les ont-elles emmenés, je ne sais pas. Mais il restait trois canots sur le gaillard d’avant, et ils auront été sortis à quai durant la journée.
Sénateur SMITH. Avez-vous examiné ces canots personnellement ?
Mr. ROSTRON. J’ai seulement été dans un ou deux d’entre eux ; je les ai regardés.
Sénateur SMITH. Pouvez-vous me dire de ce que vous en avez vu s’ils étaient marqués du nom du Titanic ?
Mr. ROSTRON. Tous étaient marqués « Titanic, » quand nous les avons remontés.
Sénateur SMITH. S’agissait-il visiblement de canots neufs ?
Mr. ROSTRON. Ils étaient tous neufs.
Sénateur SMITH. Ils étaient tous neufs ?
Mr. ROSTRON. Oui ; pour ce que je pouvais en voir. Ils m’ont semblé être des canots absolument neufs.
Sénateur SMITH. Tous répondaient aux réglementations du Board of Trade britannique ?
Mr. ROSTRON. Absolument.
Sénateur SMITH. Et aussi bons qu’ils l’auraient été si vous les aviez demandés vous-même ?
Mr. ROSTRON. Tout à fait.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu des corps en train de flotter, mis à part ceux que vous avez décrits ?
Mr. ROSTRON. Seulement un ; pas plus – pas d’autres.
Sénateur SMITH. Aviez-vous des informations sur le fait que les passagers ou l’équipage du Titanic ont utilisé ou non leurs gilets de sauvetage ?
Mr. ROSTRON. Je n’ai eu que très peu d’occasions de me retrouver parmi les passagers ou certains d’entre eux.
Pour vous dire la vérité, j’ai été sur la passerelle, ou à mon poste durant la plus grande partie du temps. J’ai eu, cependant, une ou deux conversations avec des passagers mardi après-midi. Ce fut le seul moment où j’ai eu quelque rapport que ce soit avec ces gens, et j’ai alors entendu dire que tout le monde à bord du Titanic, ce qu’ils avaient pu voir, avaient porté leur gilet de sauvetage. Tous avaient reçu un gilet de sauvetage.
Sénateur SMITH. Je suppose que vous avez maintenu une veille pour voir s’il y avait certaines de ces personnes en train de flotter ?
Mr. ROSTRON. Précisément. J’ai quadrillé tous les environs du lieu du désastre.
Sénateur SMITH. Combien de temps avez-vous navigué par-là ?
Mr. ROSTRON. Dans les proches environs du désastre ?
Sénateur SMITH. Oui.
Mr. ROSTRON. Une demi-heure.
Sénateur SMITH. Pendant ce temps, y avait-il de la houle ou une mer dans des conditions non naturelles ?
Mr. ROSTRON. Rien du tout. Le vent et la mer commençaient alors à se lever. Il y avait une brise modérée qui soufflait à ce moment, et quelques petits remous sur la mer.
Sénateur SMITH. Avez-vous une idée de la profondeur de l’eau à cet endroit ?
Mr. ROSTRON. Oui ; environ 2 000 et quelques brasses.
Sénateur SMITH. 2 000 et quelques brasses ?
Mr. ROSTRON. Oui ; j’ai regardé sur la carte.
Sénateur SMITH. Avez-vous conclu que vous n’aviez pas vu du tout le malheureux navire ?
Mr. ROSTRON. Oh, non ; nous sommes arrivés une heure et demie après son naufrage ; après la dernière fois qu’on l’a vu.
Sénateur SMITH. Quel est le dernier message que vous avez reçu du navire ?
Mr. ROSTRON. « Salle des machines presque pleine. »
Sénateur SMITH. « Salle des machines presque pleine » ?
Mr. ROSTRON. Oui.
Sénateur SMITH. À quelle heure était-ce ?
Mr. ROSTRON. Ça aurait pu être vers une heure. Ça pourrait être 25 minutes après.
Sénateur SMITH. C’est tout ?
Mr. ROSTRON. C’était le dernier message que nous avons reçu. C’était plutôt « Salle des machines presque remplie », ou « salle des machines pleine », ou « salle des machines en train de se remplir ». Je ne peux pas vous donner les mots exacts. L’impression était bien suffisante pour moi, quant à la condition du navire.
Sénateur SMITH. Et vous leur avez alors dit à quelle distance vous étiez ?
Mr. ROSTRON. Oui. Dès le tout début j’ai envoyé un message au Titanic – leur disant, « Venons immédiatement à votre secours. Espérons arriver à 4 h et demie » – Non ; c’était, « espérons arriver dans quatre heures », car je n’étais pas encore à pleine vitesse.
Sénateur SMITH. Connaissiez-vous personnellement le capitaine du Titanic ?
Mr. ROSTRON. Je le connaissais ; oui.
Sénateur SMITH. Depuis combien de temps le connaissiez-vous ?
Mr. ROSTRON. Je l’avais rencontré il y a quinze ans. Je ne l’ai rencontré que trois fois en tout.
Sénateur SMITH. Au sein de votre compagnie, qui est le commandant d’un navire en mer ?
Mr. ROSTRON. Le capitaine.
Sénateur SMITH. Il a un contrôle absolu ?
Mr. ROSTRON. Il a un contrôle absolu, légalement et autrement. Personne ne peut interférer.
Sénateur SMITH. Je suppose que s’il n’en avait pas été ainsi, vous n’auriez pas jugé adapté de vous éloigner autant de votre route ?
Mr. ROSTRON. Tout à fait.
Sénateur SMITH. Y a-t-il des routes maritimes prescrites qui sont définies dans leur tracé de façon à être bien comprises par les marins ?
Mr. ROSTRON. Elles le sont. Je rajouterais ceci : la position que m’a donnée le Titanic était absolument correcte et il était absolument sur sa route, en direction de New York.
Sénateur SMITH. Comment qualifieriez-vous cette route, capitaine, que prenait le Titanic pour aller à New York, s’agissait-il de la route du nord ou du sud ?
Mr. ROSTRON. Oh, il était alors – j’ai oublié le cap véritable à présent, mais il avait passé ce que nous appelons le coin du grand cercle. Cela fait quelques années que j’ai quitté la route de l’Atlantique Nord. J’ai servi sur la ligne de la Méditerranée et j’ai oublié –
Mr. UHLER. Il ne parle pas de votre cap selon le compas.
Mr. ROSTRON. Je donne le cap véritable.
Mr. UHLER. Il vous demandait si le Titanic était sur la route du nord ou sur la route du sud ?
Mr. ROSTRON. Oh. Il était sur la route du sud.
Sénateur SMITH. Que voulez-vous dire par là ?
Mr. ROSTRON. Il fait un grand cercle sur la route la plus au sud, pour éviter toutes les glaces, autant que possible. C’est à 42° nord et 47° ouest. C’est ce que nous appelons le premier coin. C’est la route du grand cercle de Queenstown jusqu’au coin. De là, il prend cap rectiligne – j’ai oublié, maintenant, le cap exact.
Sénateur SMITH. Considérez-vous la route qu’il prenait comme tout à fait pratique et appliquée à cette période de l’année ?
Mr. ROSTRON. Tout à fait. C’est très exceptionnel.
Sénateur SMITH. Ayant reçu des avertissements sur la présence d’icebergs dans le voisinage, aurait-il pu, dans ces circonstances, avoir changé sa route de quelque façon que ce soit pour les éviter ?
Mr. ROSTRON. Il m’est impossible de le dire. Tout ce que je sais, c’est qu’il était sur la route des navires allant vers l’ouest, sur sa propre route, là où il devait être.
Sénateur SMITH. À cette époque de l’année ?
Mr. ROSTRON. À cette époque de l’année.
Sénateur SMITH. N’est-ce pas la route la plus courte entre Liverpool et New York ?
Mr. ROSTRON. Non ; c’est la plus longue.
Sénateur SMITH. La plus longue?
Mr. ROSTRON. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Quelle aurait été la plus courte ?
Mr. ROSTRON. La plus courte route vient après août, si je me souviens bien ; de septembre à janvier. De septembre à janvier, je pense, c’est la plus courte route.
Sénateur SMITH. Mais laquelle serait-elle ?
Mr. ROSTRON. Oh, eh bien ; vers le nord.
Sénateur SMITH. À quel point au nord ?
Mr. ROSTRON. Ce serait probablement à deux cent miles au nord.
Sénateur SMITH. Considéreriez-vous la route prise par le Titanic dans son voyage d’essai comme appropriée et sûre pour cette période de l’année ?
Mr. ROSTRON. Tout à fait.
Sénateur SMITH. Quelle serait une vitesse sûre, raisonnable, pour un navire d’une telle taille sur une telle route et à proximité d’icebergs ?
Mr. ROSTRON. Bien sûr, je ne connais pas le navire. Je ne sais absolument rien de lui.
Sénateur SMITH. Comment vous seriez vous senti à son propos. Supposez que vous ayez pris cette route avec votre navire ; à quelle vitesse auriez-vous jugé prudent de naviguer dans cette situation ?
Mr. ROSTRON. Je peux seulement vous dire ceci, messieurs, je savais qu’il y avait des glaces dans les environs –
Sénateur SMITH. Comment le saviez-vous ?
Mr. ROSTRON. Par le Titanic.
Sénateur SMITH. Par le message du Titanic ?
Mr. ROSTRON. Précisément. Il m’a dit qu’il avait heurté des glaces.
Sénateur SMITH. Le saviez-vous par n’importe quel autre moyen ?
Mr. ROSTRON. Non, monsieur ; c’était la première fois qu’on me signalait qu’il y avait des glaces à cet endroit.
Sénateur SMITH. Vous ne le saviez pas avant de le voir vous-même ?
Mr. ROSTRON. Je savais que le Titanic avait heurté des glaces. De fait, j’étais préparé à me retrouver dans le voisinage de glaces en m’approchant de lui, car s’il avait heurté un iceberg et que j’allais vers sa position, je savais très bien qu’il devait y avoir des glaces dans les environs. J’y suis allé à pleine vitesse, autant que nous le pouvions –
Sénateur SMITH. Vous êtes allés à pleine vitesse ?
Mr. ROSTRON. En effet, et j’ai doublé les vigies, et j’ai pris des précautions supplémentaires et exercé une vigilance supérieure. Toutes les précautions possibles ont été prises. Nous étions tous sur le qui-vive [en français dans le texte, NdT].
Sénateur SMITH. Vous aviez un navire plus petit, cependant, et il aurait répondu plus rapidement à une alerte ?
Mr. ROSTRON. Non.
Sénateur SMITH. Ça n’aurait pas été le cas ?
Mr. ROSTRON. Non, monsieur ; ça n’aurait pas été le cas. Je ne soutiens pas cela, pas un instant.
Sénateur SMITH. Combien de personnes étaient sur la passerelle, à la veille, pour ainsi dire, dans cette situation, sur votre navire ?
Mr. ROSTRON. Il y avait trois officiers avec moi ; un quartier-maître, un homme dans le nid-de-pie, et deux hommes dans les yeux du navire – c’est-à-dire, tout à fait à l’avant sur le pont, plus près de l’eau que dans le nid-de-pie.
Sénateur SMITH. Était-ce l’équipe habituelle, où les avez-vous placés ainsi à cause de ce danger ?
Mr. ROSTRON. J’ai mis une vigie supplémentaire à l’avant.
Sénateur SMITH. Une vigie supplémentaire ?
Mr. ROSTRON. Oui ; et l’officier est monté avec moi en supplément. J’avais un autre officier en haut avec moi, en supplément. Il est monté volontairement.
Sénateur SMITH. Quelle serait l’équipe normale ?
Mr. ROSTRON. L’équipe normale d’une veille de nuit, deux hommes. On en garde un dans le nid-de-pie et un dans les yeux – c’est-à-dire tout à l’avant.
Sénateur SMITH. Les passagers du Titanic ressentaient-ils des maux particuliers après être montés sur le Carpathia ?
Mr. ROSTRON. Je n’ai entendu parler de rien de spécial. Je ne peux pas vous donner de rapports médicaux, comme je ne les ai pas encore reçus. Tout ce que je sais, c’est que le deuxième jour, mardi matin, le médecin est venu me voir et a dit qu’il était content de dire que le bilan sanitaire était parfait.
Sénateur SMITH. Aucun mal, pour ce que vous en savez, n’a été fait par une personne à une autre, et il n’y a eu ni problèmes ni difficultés ?
Mr. ROSTRON. Non, non ; aucun d’aucune sorte. Je n’ai jamais rien entendu de la sorte, jamais.
Sénateur SMITH. Combien de canots transportez-vous sur le Carpathia ?
Mr. ROSTRON. Nous en transportons 20.
Sénateur SMITH. Quelle est leur capacité ?
Mr. ROSTRON. Je ne suis pas préparé pour le dire au moment présent. Je ne peux pas le dire ; j’ai vraiment oublié.
Sénateur SMITH. En transportez-vous 20 pour répondre aux exigences de certaines réglementations du Board of Trade britannique ?
Mr. ROSTRON. Je crois que c’est 20 ; oui.
Sénateur SMITH. Quel est votre tonnage brut ?
Mr. ROSTRON. Treize-mille-six-cent tonneaux.
Sénateur SMITH. C’est la capacité totale de votre navire, le tonnage ?
Mr. ROSTRON. Treize-mille-six-cent.
Sénateur SMITH. Ce qui signifie en termes de passagers ?
Mr. ROSTRON. Je ne peux pas vous le dire. Je ne suis pas venu ici avec mes données. Je n’ai rien vérifié, et je n’étais absolument pas préparé pour ces questions. J’ai été trop occupé.
Sénateur SMITH. À combien avez-vous dit que s’élevait le tonnage de votre navire ?
Mr. ROSTRON. Treize-mille-six-cent tonneaux.
Sénateur SMITH. Quel était le tonnage du Titanic ?
Mr. UHLER. Il était de 45 629 tonneaux.
Sénateur SMITH. Est-ce que ces réglementations du Board of Trade britannique sont des réglementations récentes ou des réglementations anciennes ?
Mr. ROSTRON. Elles sont assez récentes.
Sénateur SMITH. Le fait que, sous ces réglementations, vous étiez obligé de transporter 20 canots de sauvetage et que le Titanic était seulement obligé d’en transporter 20, avec son tonnage additionnel, indique soit que ces réglementations ont été établies il y a longtemps –
Mr. ROSTRON. (interrompant) : Non, monsieur ; cela n’a rien à voir avec ça. Cela concerne le navire lui-même. Les navires sont construits de nos jours pour être pratiquement insubmersibles, et chaque navire et supposé être un canot en soi. Les canots sont principalement censés être là comme solution de remplacement. Les navires sont censés être construits, et les architectes navals disent qu’ils le sont, pour être insubmersibles sous certaines conditions. Quelles sont ces conditions exactes, je ne le sais pas, si cela concerne le remplissage de certains compartiments, ou quoi que cela puisse être. C’est pour cela que sur notre navire nous avons plus de canots, pour la simple raisons que nous sommes construits différemment du Titanic ; conçu différemment.
Sénateur SMITH. Approximativement, combien de passagers peuvent embarquer sur le Carpathia ? Je ne vous demande pas d’être précis à ce propos, mais approximativement, combien ?
Mr. ROSTRON. Combien approximativement avions-nous pour le voyage depuis New York ?
Mr. UHLER. Quel est votre capacité selon les règlements britanniques ?
Mr. ROSTRON. Deux-mille-deux-cent troisièmes, et environ 250 premières et deuxièmes combinées.
Sénateur SMITH. Ce qui fait 2 450. Donnez-nous l’effectif de votre équipage.
Mr. ROSTRON. Cela varie, bien sûr. Nous avons environ 300 membres à bord, en ce moment.
Sénateur SMITH. Combien d’officiers ?
Mr. ROSTRON. Six officiers.
Sénateur SMITH. Vous dites que le capitaine d’un navire est normalement investi d’un contrôle et d’une discrétion absolue sur les mouvements de son navire ?
Mr. ROSTRON. Absolument. Je voudrais détailler cela, cependant. Par la loi, le capitaine du vaisseau a un contrôle absolu, mais supposez que nous recevions comme ordre du propriétaire du navire de faire quelque chose et que nous ne le fassions pas. Tout ce que nous risquons alors est d’être sujet au licenciement.
Je vais vous donner un exemple de ce que je veux dire par là, au sujet du fait de recevoir des ordres, et ainsi de suite. Quand j’ai fait demi-tour pour New York, j’ai envoyé mon message à la Cunard Co. leur disant que je partais pour New York à moins qu’on ne me donne un ordre contraire. Vous voyez ce que je veux dire ici ? J’ai dit, « Pour de nombreuses raisons, je considère New York comme plus souhaitable. »
Sénateur SMITH. Et vous avez immédiatement modifié votre route ?
Mr. ROSTRON. Je me suis remis droit en direction de New York immédiatement, et suis reparti à New York.
Voudriez-vous connaître mes raisons de retourner à New York ?
Sénateur SMITH. Oui.
Mr. ROSTRON. La première est principale raison est que nous avions toutes ces femmes à bord, et je savais qu’elles étaient hystériques et en mauvaise condition. Je savais très bien, également, que vous voudriez toutes les nouvelles possibles. Je savais très bien, de plus, que si j’allais à Halifax, nous pourrions les y amener sans souci, mais je ne savais pas combien de ces gens étaient à moitié morts, combien étaient blessés, ou combien étaient vraiment malades ou quoi que ce soit de ce genre. Je savais, également, que si nous allions à Halifax, nous aurions la possibilité de rencontrer plus de glaces, et je savais très bien quel serait l’effet de ceci sur des gens qui ont vécu ce qu’ont vécu ces gens. Je savais ce que serait tout le temps où nous serions proches de glaces. J’ai pris cela en considération. Je savais très bien que si j’allais à Halifax cela obligerait ces passagers à faire un voyage en train, comme ils devraient se rendre à New York, et qu’il y aurait tous les soucis qui en découlent.
Plus encore, je ne savais pas quelles conditions météorologiques on rencontrerait, où quels logements je pourrais leur trouver à Halifax, et c’était une grande raison – une des plus grandes qui m’ont fait faire demi-tour.
Mr. UHLER. Et les chances de rencontrer du beau temps en venant de New York étaient meilleures qu’en allant à Halifax ?
Mr. ROSTRON. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Votre message à la compagnie avertissait concrètement que vous aviez fait cela ?
Mr. ROSTRON. Je l’avais fait ; mais le message n’est pas parti avant lundi soir.
Sénateur SMITH. Vous étiez alors –
Mr. ROSTRON. (interrompant). Quand j’ai envoyé le message nous étions en chemin depuis 12 heures.
Sénateur SMITH. Capitaine, est-il courant de prendre ses ordres d’un directeur ou d’un cadre général de la compagnie à bord ?
Mr. ROSTRON. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. De qui tenez-vous vos ordres ?
Mr. ROSTRON. De personne.
Sénateur SMITH. À bord du navire ?
Mr. ROSTRON. En mer, dès que je quitte le port jusqu’à ce que j’arrive au port, le capitaine a le contrôle absolu et ne prend ses ordres de personne. Je n’ai jamais entendu dans notre compagnie ou dans n’importe quelle autre grande compagnie qu’un directeur ou un propriétaire ait donné des ordres sur un navire. Peu importe qui vient à bord du navire, ce sont soit des passagers soit des membres d’équipage. Il n’y a pas de statut officiel ou d’autorité d’aucune sorte qui les concerne.
Sénateur SMITH. Vous dites, Capitaine, que vous avez filé à toute vapeur ?
Mr. ROSTRON. Oui.
Sénateur SMITH. Vers le Titanic ?
Mr. ROSTRON. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Vous l’avez fait de nuit ?
Mr. ROSTRON. Il faisait nuit. Je dois bien avouer que si j’avais su à ce moment qu’il y avait tant de glace aux alentours, je ne l’aurai pas fait ; mais j’étais en plein dedans à ce moment. Je pouvais voir la glace. Je savais que j’étais parfaitement à distance.
Il y a une autre chose à prendre en compte : même si je prenais un risque pour mon propre navire et mes propres passagers, je devais aussi prendre en compte ce que j’allais faire.
Sénateur SMITH. Sauver les vies d’autres ?
Mr. ROSTRON. Oui ; je devais prendre en compte les autres vies.
Sénateur SMITH. Vous étiez motivé par votre intérêt pour l’humanité ?
Mr. ROSTRON. Absolument.
Sénateur SMITH. Et vous avez pris le risque ?
Mr. ROSTRON. Ce n’était pas vraiment un risque. Bien sûr, c’était un risque, mais en même temps, je savais assez bien ce que je faisais. Je considérais que j’étais totalement libre, et que j’avais parfaitement raison de faire ce que je faisais.
Sénateur SMITH. Je suppose qu’on ne vous a pas critiqué pour ça ?
Mr. ROSTRON. Non.
Sénateur SMITH. En fait, je pense que je devrais dire, au nom de mes associés, que votre conduite mérite les plus grandes louanges.
Mr. ROSTRON. Je vous remercie, monsieur.
Sénateur SMITH. Et nous vous sommes très reconnaissants, Capitaine, d’être venu ici.
Je comprends que vous avez pour devoir de partir cet après-midi ?
Mr. ROSTRON. Oui ; je pense que nous levons l’ancre à quatre heures.
Sénateur SMITH. Si nous désirons vous contacter à nouveau, quels sont vos projets pour la suite ? Vous dirigez vous vers le sud de l’Europe ?
Mr. ROSTRON. Nous allons à Gibraltar. Je vais simplement par la même route qu’avant – Gibraltar, Gênes, Naples, Trieste, Fiume –
Mr. UHLER. Cinquante jours pour revenir à New York?
Mr. ROSTRON. Un petit peu moins que ça. Environ 43 jours pour revenir. Nous partons environ toutes les sept semaines.
Sénateur SMITH. Vous ai-je demandé le nombre de passagers qui sont morts à bord du navire sur la route de New York ?
Mr. ROSTRON. Non, monsieur. Personne n’est mort sur le navire ; pour autant que je sache. Nous avons pris trois corps dans les canots, presque morts et le troisième [sic] homme qui est mort à bord d’épuisement, qui avait été pris à bord depuis un canot, était un marin. Je suis presque sûr de ma déclaration selon laquelle c’était un marin.
Sénateur SMITH. Dans le premier canot, vous dites qu’il n’y avait qu’un homme ?
Mr. ROSTRON. Non ; seulement un marin. Je pense qu’il y avait deux hommes de plus. Pour vous dire la vérité, je ne suis pas tout à fait certain de combien d’hommes il y avait.
Sénateur SMITH. Y’avait-il des officiers ?
Mr. ROSTRON. Un officier.
Sénateur SMITH. Un officier et un marin ?
Mr. ROSTRON. Et un marin, oui.
Sénateur SMITH. Combien d’hommes ?
Mr. ROSTRON. Je ne peux pas vous le dire. Je ne peux pas vous donner le nombre d’hommes ou de marins dans n’importe quel canot, même approximativement, pour l’instant.
Sénateur SMITH. Ces canots, bien entendu, étaient propulsés par des avirons ?
Mr. ROSTRON. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Y avait-il des femmes qui maniaient ces avirons ?
Mr. ROSTRON. Il y en avait.
Sénateur SMITH. Dans combien de canots ?
Mr. ROSTRON. J’ai vu ramer des femmes, je pense, dans au moins deux canots.
Sénateur SMITH. Combien de femmes utilisant ces avirons ?
Mr. ROSTRON. Dans un j’en ai vu deux. Il est très difficile de vous donner le nombre exact, car un ou deux de ces canots étaient plutôt bondés, en particulier un canot qui avait été endommagé et coulait. Ce canot était bondé. Je ne pouvais pas dire combien de femmes ramaient. J’ai certainement vu deux ou trois femmes manier les avirons. Je sais, comme un fait avéré, que dans un canot deux ou trois femmes ramaient.
Sénateur SMITH. Dans quel canot est venu Mr. Ismay ?
Mr. ROSTRON. Je n’en ai pas la moindre idée. La première fois que j’ai su que Mr. Ismay était à bord, c’est quand nous avions le dernier canot le long de notre flanc et que nous prenions les derniers passagers à bord.
Sénateur SMITH. Vous ne vous souvenez pas du nombre de marins dans ce canot ?
Mr. ROSTRON. Je n’en ai pas la moindre idée.
Sénateur SMITH. Vous souvenez vous du nombre d’hommes dans les autres canots ?
Mr. ROSTRON. Je ne peux vous donner aucun détail sur les marins ou quoi que ce soit d’autre. Souvenez-vous d’une chose : à moins que les marins ne soient habillés avec un uniforme distinctif, je ne pouvais pas déterminer s’ils étaient marins, chauffeurs, stewards ou passagers.
Sénateur NEWLANDS. Quand votre navire est arrivé à New York, certains passagers étaient-ils dangereusement malades ?
Mr. ROSTRON. Pas à ma connaissance.
Sénateur NEWLANDS. Combien sont morts après que vous leur avez porté secours ?
Mr. ROSTRON. Aucun. Pas un passager n’est mort. Seulement un marin.
Sénateur SMITH. Savez-vous qui a récupéré les canots sur le Carpathia ?
Mr. ROSTRON. Non.
Sénateur SMITH. Cela a probablement été fait par les propriétaires ?
Mr. ROSTRON. Non ; j’avais auparavant envoyé un télégramme dans ce but à la White Star Line leur demandant d’envoyer deux remorqueurs à la quarantaine pour emmener ces canots, comme je ne pouvais pas aller à quai avec ces canots sur les bossoirs ou sur le pont avant. Il n’y en a pas eu, et je m’inquiétais à ce propos. C’était une sale nuit, en remontant le chenal la nuit dernière, et je m’inquiétais de ce que j’allais faire de ces canots. J’avais fait descendre les canots à mi-chemin vers l’eau, pour éviter toute perte de temps. Quand nous sommes arrivés au quai, je leur ai demandé d’envoyer des remorqueurs pour prendre les canots, comme je ne pouvais pas accoster avant de m’en être débarrassé. Après cela, je ne sais rien à leur propos.
Sénateur SMITH. Des plaintes ont été émises car le message du Président des États-Unis, qui a été envoyé au Carpathia, n’a pas reçu de réponse. Savez-vous quelque chose à ce propos ?
Mr. ROSTRON. J’ai entendu la nuit dernière qu’il y avait un message au sujet d’un Major Butt. J’ai demandé à mon commissaire ce matin s’il se souvenait d’un message demandant si le Major Butt était à bord, et il a dit que oui, l’Olympic a envoyé un message demandant si le Major Butt était à bord, et on a répondu : « Pas à bord. » C’est la seule chose que je sais d’un message au sujet de ce nom. Je ne me souviens de rien d’autre.
Sénateur SMITH. Y a-t-il eu une tentative pour communiquer avec le Carpathia depuis un navire du gouvernement ?
Mr. ROSTRON. Oui ; depuis le Chester. J’ai reçu un message du Chester. Les mots exacts de celui-ci, je les ai bien oubliés à présent ; mais il y avait quelque chose à propos du Président ; quelque chose, pour autant que je me souvienne, comme quoi il était inquiet à propos des passagers, si je me souviens bien. J’étais plutôt inquiet à ce moment, car il y avait du brouillard, et ces messages me sont parvenus sur la passerelle. J’avais les mains pleines. Il m’a donné sa position et m’a dit qu’il venait pour prendre les noms des passagers et voulait ma position. Je lui ai répondu en donnant ma position et lui ai demandé s’il pouvait prendre les noms de passagers.
Je lui ai dit que les noms des passagers de première et deuxième classe et l’équipage étaient déjà partis. J’ai demandé : « Pouvez-vous prendre les noms de troisième classe maintenant ? » J’ai reçu comme réponse : « Oui, oui. »
Sénateur SMITH. Du Chester ?
Mr. ROSTRON. Du Chester. Ce sont les deux messages que j’ai reçus du Chester.
Sénateur SMITH. Y a-t-il eu des tentatives par qui que ce soit de vous influencer dans l’envoi et la réception de messages radio ?
Mr. ROSTRON. Dès le tout début j’ai pris en charge tout ça et fait passer des ordres comme quoi tout message envoyé serait envoyé sous mon autorité, et qu’aucun message ne devrait être envoyé sans mon autorisation. Mes ordres étaient : tout d’abord, les deux messages officiels. Les deux messages officiels étaient pour la Cunard Co. et la White Star Co., au sujet de l’accident, leur disant que j’avais un nombre approximatif de passagers à bord et que je retournais à New York. Celui-ci pour la White Star Co., et l’autre était pour notre compagnie, leur disant que je partais pour New York sauf contre-ordre, et que je considérais New York comme la meilleure solution, pour de nombreuses raisons.
Après l’envoi de ces deux messages, j’ai envoyé un communiqué de presse à l’Associated Press, pratiquement dans les mêmes termes que ceux que j’avais envoyés aux compagnies, avec ma signature.
C’étaient les trois premiers messages que nous avons envoyés. Après l’envoi de ces messages, nous avons commencé à envoyer les noms des passagers de première classe. C’était par le biais de l’Olympic le lundi soir. On a fait passer les premières, et je pense toutes les secondes, par l’Olympic. Après, nous avons perdu le contact.
Sénateur SMITH. Vous avez perdu le contact ?
Mr. ROSTRON. Nous avons perdu le contact ; oui.
Sénateur SMITH. Quand était-ce ?
Mr. ROSTRON. Je ne peux pas vous dire l’heure. C’était le mardi matin, a un moment très tôt le matin, entre 1 et 2 heures je pense.
Sénateur SMITH. Combien d’opérateurs aviez-vous sur le Carpathia ?
Mr. ROSTRON. Un.
Sénateur SMITH. Était-il en service constant depuis le moment où vous avez reçu ce premier message du Titanic ?
Mr. ROSTRON. Il était constamment à son instrument, tout le temps.
Sénateur SMITH. Quel âge a-t-il ?
Mr. ROSTRON. C’est un jeune homme. Je dirais qu’il a environ 25 ans.
Sénateur SMITH. Qui l’emploie ?
Mr. ROSTRON. La Marconi Co.
Sénateur SMITH. Quel était son nom ?
Mr. ROSTRON. Je ne peux pas vous le dire. Je ne connais pas son nom.
Sénateur SMITH. Aviez-vous connaissance, par vous-même, de la tentative du Président des États-Unis pour communiquer directement avec votre navire ?
Mr. ROSTRON. Absolument pas ; rien de la sorte.
Sénateur SMITH. Je suppose qu’il n’y avait aucune intention d’aucune sorte soit pour ignorer ce message –
Mr. ROSTRON. (s’interposant). Par exemple ! J’espère bien que non, monsieur.
Sénateur SMITH. (continuant). Ou de le négliger ?
Mr. ROSTRON. Absolument aucune intention de faire aucune chose de la sorte, monsieur. Ce n’est jamais venu à l’esprit de quiconque.
Sénateur SMITH. Et personne n’a tenté d’aucune façon d’exercer une censure sur le service télégraphique de votre navire ?
Mr. ROSTRON. Absolument aucune censure d’aucune sorte. J’ai contrôlé tout cela, par mes ordres. J’ai dit que j’ai fait passer les messages officiels en premier. Une fois qu’ils sont partis, et le premier message de presse, ensuite les noms des passagers. Après l’envoi des noms des passagers et de l’équipage mes ordres étaient d’envoyer tous les messages privés des passagers du Titanic en premier dans l’ordre où ils seraient donnés au commissaire ; pas de préférence à aucun message.
Sénateur SMITH. Vous avez reçu un message du Californian, n’est-ce pas ?
Mr. ROSTRON. Non, nous n’avons pas reçu de message. Attendez un instant. Nous savions que le Californian était dans les environs, car son opérateur m’avait dit qu’il avait entendu le Californian répondre à ces signaux. C’est tout.
À 8 huit heures du matin, il est apparu. C’était sur le lieu du naufrage, et je l’ai laissé quand je suis reparti à New York à 8 h 50, je pense que c’était l’heure, quand j’ai mis en avant toute pour rentrer. Il fouillait les environs du lieu du naufrage, et je suis parti pour New York.
Le jour suivant j’ai reçu un message du Californian disant :
Avons fouillé la position précautionneusement jusqu’à midi et n’avons rien trouvé et vu aucun corps.
Sénateur SMITH. Votre station télégraphique a-t-elle bien fonctionné tout le temps où vous désiriez l’utiliser ?
Mr. ROSTRON. Je ne suis pas votre question, monsieur.
Sénateur SMITH. Votre station télégraphique vous a-t-elle lâché à un moment ?
Mr. ROSTRON. Jamais. La seule chose est que nous n’étions pas équipés avec une installation longue-distance. C’est seulement un appareil à courte-portée, pour ce que nous appelons les messages aux navires, et près des stations terrestres.
Sénateur SMITH. Jusqu’à quelle distance pouvez-vous communiquer ?
Mr. ROSTRON. Dans de bonnes conditions, 200 miles. Nous détectons seulement, dans des conditions ordinaires, à 150 miles. Le brouillard, la brume, les nuages, la neige, ou toute autre condition météorologique défavorable nous empêchent de capter à plus de 90 à 100 miles.
Sénateur SMITH. C’était plutôt accidentel, donc, que vous vous soyez retrouvé à portée de votre instrument quand vous avez capté le Titanic ?
Mr. ROSTRON. Oui ; nous étions seulement à 58 miles d’eux.
Sénateur SMITH. Était-ce providentiel ?
Mr. ROSTRON. L’intégralité de la chose est absolument providentielle. Je vais vous dire cela, que l’opérateur radio était dans sa cabine, à ce moment, pas du tout en service officiel, mais seulement en train d’écouter tout en se déshabillant. Il délassait ses bottes à ce moment. Il avait cet appareil sur les oreilles, et le message est venu. C’était tout. En 10 minutes, il se serait peut-être trouvé au lit, et n’aurait pas entendu les messages.
Sénateur SMITH. C’était une coïncidence très remarquable.
Mr. ROSTRON. C’était très remarquable, et, comme je le dis, tout ici était providentiel, comme le fait que nous ayons été capables d’aller là-bas.
Mr. UHLER. Vous pouviez recevoir sur une longue distance, mais ne pouviez pas envoyer de réponse ?
Mr. ROSTRON. Nous pouvons toujours recevoir sur longue distance, oui.
Mr. UHLER. Vous avez une machine de faible puissance ?
Mr. ROSTRON. Oui.
Sénateur SMITH. De ce que vous avez entendu des passagers ou de l’équipage du Titanic, savez-vous si l’un d’entre eux a vu le Titanic sombrer finalement ?
Mr. ROSTRON. Oui, quelques-uns des passagers à qui j’ai parlé ont vu le navire couler.
Sénateur SMITH. Vous souvenez-vous de qui ils étaient ?
Mr. ROSTRON. Je pense que Mrs. Thayer était une d’elles.
Sénateur SMITH. Mrs. J. B. Thayer ?
Mr. ROSTRON. Oui ; et son fils Jack ; et Mrs. Wagner.
Sénateur SMITH. Et le Colonel Gracie ?
Mr. ROSTRON. Je ne me souviens pas. Je ne connais pas les noms de tous les gens qui ont été sauvés. Je ne suis jamais allé les voir.
Sénateur SMITH. Vous n’avez jamais parlé avec eux ?
Mr. ROSTRON. Je n’en ai pas eu l’opportunité.
Sénateur SMITH. Vous étiez tout le temps très occupé ?
Mr. ROSTRON. Oui.
Sénateur NEWLANDS. Capitaine, combien de canots pourriez-vous embarquer sur le Carpathia en plus de ceux que vous avez désormais ?
Mr. ROSTRON. Dans les conditions actuelles, et bien entendu si c’étaient des canots très ordinaires, je ne pense pas que nous pourrions en prendre plus de six, tout à fait à l’extérieur. Bien sûr, cela encombrerait le pont tel qu’il est.
Sénateur NEWLANDS. Cela encombrerait le pont, et vous n’auriez de place que pour 26 canots en tout ?
Mr. ROSTRON. Oui.
Sénateur NEWLANDS. Et cela encombrerait le pont dans une certaine mesure ?
Mr. ROSTRON. Oui. Pas les ponts des passagers. Cela n’a rien à voir avec les ponts des passagers. Ce serait un espace du pont qui n’est pas utilisé par les passagers qui serait encombré, pas les ponts promenade.
Sénateur NEWLANDS. Je vois. Est-ce que ce nombre additionnel entraînerait des inconvénients supplémentaires sur ce pont ?
Mr. ROSTRON. Non ; je ne pense pas.
Sénateur NEWLANDS. Prenez le cas du Titanic, dont le tonnage était plus de trois fois celui du Carpathia, qui avait, je crois, le même nombre de canots que le Carpathia ?
Mr. ROSTRON. Oui, monsieur.
Sénateur NEWLANDS. Combien de canots supplémentaires ce navire aurait-il pu recevoir sans inconvénients ?
Mr. ROSTRON. Je n’ai pas la moindre idée, monsieur, de comment était le Titanic. Je crois qu’il était le jumeau de l’Olympic. J’ai vu l’Olympic une fois, quand il était au bout de notre quai. Je n’ai aucune idée de la façon dont il est conçu. C’est tout ce que j’ai vu de lui.
Sénateur NEWLANDS. Vous pensez qu’il pourrait en transporter nettement plus, n’est-ce pas ?
Mr. ROSTRON. S’il ne pouvait pas les transporter, il pourrait être transformé pour les transporter. S’ils construisent le navire en sachant qu’il ne devra transporter que 16 canots, ils utiliseront l’espace autrement.
Sénateur NEWLANDS. Comment expliquez-vous le fait que le Board of Trade d’Angleterre, alors que la taille des navires augmentait, n’a pas ordonné une augmentation du nombre de canots ? Votre maximum, si je comprends bien, est de 20 canots, n’est-ce pas ?
Mr. ROSTRON. Oui, je pense que c’est cela. Mais ils ont ordonné une construction différente du navire lui-même. C’est de là que tout vient.
Sénateur NEWLANDS. Vous considérez chaque navire lui-même comme un canot ?
Mr. ROSTRON. Oui, monsieur.
Sénateur NEWLANDS. Cette attente ne s’est pas réalisée dans le cas de ce navire ?
Mr. ROSTRON. Ce qui s’est passé avec le Titanic était un cas particulier.
Sénateur SMITH. Avez-vous une quelconque connaissance de tout ce qui concerne la force de l’impact qui a coulé le Titanic ?
Mr. ROSTRON. Je ne sais rien à ce propos, monsieur. Je n’ai pas posé de question sur ce genre de sujet. Je savais que ce n’était pas mon affaire, et j’avais peu d’envie de le faire supporter par un des officiers encore plus qu’ils le faisaient. Sachez, monsieur, simplement cela : je ne sais rien, mais j’ai entendu des rumeurs de la part de différents passagers ; certains disent une chose et les autres une autre. Par conséquent, je préférerais plutôt ne rien dire. Je ne sais rien. Par les officiers je ne sais rien. Je pourrais vous donner les rumeurs fantaisistes des passagers, mais je sais qu’elles ne sont pas fiables, par ma propre expérience ; aussi, si vous voulez bien m’excuser, je préfère ne rien dire.
Sénateur SMITH. Je pense que c’est tout, Capitaine, et je veux vous remercier pour la courtoisie que vous avez montrée en apparaissant devant le comité et en nous donnant les informations à votre disposition
Sénateur NEWLANDS. Concernant l’équipement de ces canots, quelles sont les obligations concernant la nourriture et les compas, et ainsi de suite ?
Mr. ROSTRON. Ils sont équipés avec un compas, et avec des réserves d’eau et avec des réserves de pain.
Mr. UHLER. Et avec un mât et une voile ?
Mr. ROSTRON. Et avec un mât et une voile.
Mr. UHLER. Et l’équipement ?
Mr. ROSTRON. Et tout l’équipement nécessaire.
Sénateur NEWLANDS. Savez-vous si ces conditions étaient remplies en ce qui concerne ces canots du Titanic ?
Mr. ROSTRON. Pour autant que je puisse voir, oui. Je peux vous dire cela, j’ai moi-même vu de l’eau et des biscuits dans les canots, pas tous, bien sûr, mais un ou deux ou les hommes travaillaient quand on les arrimait. On les a embarqués sur notre navire et on devait les mettre en place, et dans certaines circonstances, nous avions à venir contre le canot et regarder dedans, et il y avait deux ou trois canots où j’ai vu à la fois de l’eau et du pain dans les canots ; et tous les canots avaient des réserves de pain. Je le tiens pour certain. Et il avait aussi des réserves d’eau.
Sénateur SMITH. Nous vous sommes très reconnaissants, Capitaine Rostron.
Mr. ROSTRON. Je vous en prie, monsieur. S’il y a quoi que soit d’autre que je puisse faire, j’en serais très heureux.
Sénateur SMITH. Après la pause je voudrais que Mr. Marconi paraisse devant nous pendant quelques minutes.
Mr. MARCONI. J’en serai très heureux, Sénateur.
Sénateur SMITH. Et l’opérateur.
Mr. GRIGGS. Il sera là vers 3 heures, Sénateur.
Sénateur SMITH. Je voulais dire, l’opérateur du Carpathia. Et aussi l’opérateur du Titanic.
Mr. GRIGGS. Il n’est pas en mesure de venir. J’ai peur que le comité doive aller à lui.
Mr. ROSTRON. Ses chevilles et son dos sont blessés, bien que ces deux derniers jours, on l’ait porté jusqu’à la salle de télégraphie Marconi du Carpathia pour aider notre opérateur autant qu’il le pouvait.
Mr. J. A. HUGHES. M. le Président, je veux faire une rapide mise au point. Une déclaration a été faite dans la presse à mon sujet, à propos de laquelle je voudrais dire cela :
J’ai reçu ce télégramme :
HUNTINGTON, W. VA.
JAMES A. HUGHES ;
Vous êtes cités dans récits de presse déclarant, suivant l’histoire de Mrs. Smith, qu’Ismay devrait être lynché. Veuillez nous télégraphier, brève de presse quotidienne, 500 mots, votre vision de la catastrophe du Titanic.
THE ADVERTISER.
À cela j’ai envoyé ceci en réponse :
HUNTINGTON ADVERTISER,
Huntington, W. Va.,
Communiqués de presse erronés. Ma fille n’a rien dit qui pourrait entraîner une telle déclaration de ma part. J’ai pu dire que, si l’enquête décelait une négligence d’un des officiers, aucune punition ne serait trop sévère pour lui. Ismay a été plutôt critiqué pour avoir été parmi les hommes qui ont été sauvés. Ma fille n’a pas émis de critiques à son sujet. Le communiqué de presse vous donnera l’information complète concernant les détails. Ismay a donné ce que le comité du Sénat a considéré comme un témoignage sincère devant le comité. Il est sujet à une prochaine convocation devant le comité du Sénat. Le Capitaine du Carpathia devant le comité du Sénat témoigne actuellement. Ma fille déclare que toute l’aide possible leur a été donnée par le capitaine sur le Carpathia et les officiers du Carpathia.
Sénateur SMITH. Nous allons prendre une pause jusqu’à 3 heures cet après-midi.
Sur ce à 13 h 20, une pause a été prise jusqu’à 15 heures.
Session de l’Après-Midi.
À la fin de la pause les audiences ont repris.
Sénateur SMITH. L’enquête va maintenant reprendre. Je vais poser à Mr. Marconi quelques questions.