Enquête américaine – Jour 1 – Partie 4

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Déclaration de Guglielmo Marconi.

     Sénateur SMITH.  Mr. Marconi, voudriez-vous donner au secrétaire votre nom complet ?
     Mr. MARCONI.  Guglielmo Marconi.
     Sénateur SMITH.  Donnez votre lieu de résidence, s’il-vous plaît.
     Mr. MARCONI.  Londres, Angleterre.
     Sénateur SMITH.  Votre fonction ?
     Mr. MARCONI.  Ingénieur électricien et président de la British Marconi Co.
     Sénateur SMITH.  En tant que président de la British Marconi Co., avez-vous des hommes employés dans le secteur de la télégraphie sans fil ?
     Mr. MARCONI.  Oui ; un grand nombre.
     Sénateur SMITH.  Aviez-vous un de vos employés à bord du Carpathia ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur.
     Sénateur SMITH.  Quand il est venu au secours des survivants du Titanic ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur.
     Sénateur SMITH.  Quel est son nom ?
     Mr. MARCONI.  Je pense que c’est Cottam. J’ai seulement rencontré cet homme la nuit dernière. Je ne sais pas comment son nom s’écrit exactement. Cottam, je pense. Il est ici.
     Sénateur SMITH.  Lorsque l’on établit un service de télégraphie sans fil sur un navire de ce type, cela se fait sous la direction de votre compagnie ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur.
     Sénateur SMITH.  L’opérateur est sous la responsabilité de votre compagnie ?
     Mr. MARCONI.  Il est sous notre responsabilité tant que cela concerne du travail commercial – pour ce qui est de rendre compte des messages et de la conduite en général du service télégraphique commercial.
     Sénateur SMITH.  De qui reçoit-il ses instructions concernant ses heures de travail et son travail en général en cette qualité à bord du navire ?
     Mr. MARCONI.  Du capitaine, selon les exigences du service.
     Sénateur SMITH.  Avez-vous des instructions spécifiques qu’il doit observer dans l’exercice de ses fonctions ?
     Mr. MARCONI.  Oui, il y a de nombreuses instructions qui sont des règles et des réglementations générales concernant l’expédition du trafic et pour éviter les interférences avec d’autres navires.
     Sénateur SMITH.  Pouvez-vous dire brièvement quelles sont ces instructions ?
     Mr. MARCONI.  Ce sont, principalement, les mêmes règles et régulations qui ont été émises par la Convention Internationale sur la Télégraphie Sans Fil.
     Sénateur SMITH.  Connue sous le nom de Traité de Berlin ?
     Mr. MARCONI.  Connue sous le nom de traité de Berlin, dont la Grande-Bretagne fait partie.
     Sénateur SMITH.  Les États-Unis n’en font pas encore partie ?
     Mr. MARCONI.  Ils n’en font effectivement pas partie, à ce que je comprends.
     Sénateur SMITH.  Les réglementations de la convention internationale sont les bases des réglementations et instructions données à vos hommes ?
     Mr. MARCONI.  Oui, absolument.
     Sénateur SMITH.  À bord du navire, l’opérateur doit-il prendre ses instructions concernant ses heures de travail de la part du capitaine du navire ?
     Mr. MARCONI.  Oui.
     Sénateur SMITH.  D’après ces instructions, êtes-vous obligés d’avoir plus d’un opérateur sur un navire faisant un voyage de ce type ?
     Mr. MARCONI.  Non – cela dépend. Si le navire est grand, on fournit deux opérateurs habituellement.
     Sénateur SMITH.  Voulez-vous dire que l’apport de deux opérateurs dépend de la taille du navire ou du type de son appareil ?
     Mr. MARCONI.  Je veux dire que si c’est un grand navire comme le Titanic, l’Olympic, le Mauretania, ou le Lusitania ils transporteront toujours deux opérateurs, mais les navires plus petits de la classe ou de la taille du Carpathia en transportent un.
     Sénateur SMITH.  Quand vous parlez de grands ou petits navires, parlez-vous du tonnage ou de la place accordée aux passagers ?
     Mr. MARCONI.  Je parle du nombre moyen de passagers transportés. Le nombre de transportés ou le nombre pour lequel les installations sont prévues. On suppose en général qu’un navire avec de grandes installations pour les passagers transportera un grand nombre de passagers.
     Sénateur SMITH.  Des efforts ont-ils été faits, à votre connaissance, pour augmenter le nombre d’opérateurs à bord du Carpathia ?  
     Mr. MARCONI.  Cela n’a pas été jugé nécessaire, et les propriétaires du navire ne l’ont pas considéré comme une nécessité pour autant que je sache.
     Sénateur SMITH.  Quel type de service ou d’équipement télégraphique équipait le Carpathia ?
     Mr. MARCONI.  Le Carpathia dispose d’un équipement que je qualifierais d’équipement courte-portée ; c’est un appareil qui peut transmettre des messages, dans des circonstances favorables, jusqu’à environ 180 ou 200 miles. En moyenne je dirais que la distance est d’environ 100 miles.
     Sénateur SMITH.  Cela dépend du temps ou de la mer ?
     Mr. MARCONI.  Cela dépend de nombreux facteurs. Cela dépend de l’état de l’espace ; pas nécessairement du temps tel qu’il apparaît. Il peut y avoir du très mauvais temps et les messages peuvent continuer à circuler parfaitement. Cela dépend aussi en grande partie de la compétence de l’opérateur.
     Sénateur SMITH.  Pour la distance dans laquelle la communication peut se faire ?
     Mr. MARCONI.  Oui. S’il peut ajuster son transmetteur dans les meilleures conditions, approchant de sa plus grande efficacité, il pourra communiquer sur une plus grande distance.
     Sénateur SMITH.  Concernant l’équipement à bord du Carpathia, sa portée maximale serait d’environ 180 miles ?
     Mr. MARCONI.  Je dirais peut-être 200.
     Sénateur SMITH.  Deux-cent miles ?
     Mr. MARCONI.  Parfois peut-être plus, mais à de très rares occasions.
     Sénateur SMITH.  Savez-vous ce qu’il en est de l’équipement du Titanic ?
     Mr. MARCONI.  Oui.
     Sénateur SMITH.  Le Titanic était équipé par votre compagnie ?
     Mr. MARCONI.  Le Titanic était équipé par notre compagnie.
     Sénateur SMITH.  Je voudrais que vous décriviez l’équipement radiotélégraphique du Titanic, en indiquant le type d’appareil et dans quelle mesure il était moderne et puissant.
     Mr. MARCONI.  L’équipement radiotélégraphique du Titanic était une installation clairement puissante, capable, je dirais, de communiquer à quatre ou cinq-cents miles durant la journée et nettement plus loin pendant la nuit.
     Sénateur SMITH.  Combien en plus durant la nuit ?
     Mr. MARCONI.  Très souvent un millier de miles. Je dirais presque toutes les nuits 1 000 miles.
     Sénateur SMITH.  Avec précision ?
     Mr. MARCONI.  Avec précision.
     Sénateur SMITH.  Diriez-vous que le Titanic était équipé avec un appareil radiotélégraphique récent et du dernier cri ?
     Mr. MARCONI.  Oui. Je dirais que c’était l’appareil le plus récent dans ce domaine.
     Sénateur SMITH.  Est-ce que la compagnie, dont vous êtes le président, a désigné les opérateurs du Titanic ?
     Mr. MARCONI.  Voulez-vous dire a-t-elle choisi les opérateurs du Titanic ?
     Sénateur SMITH.  Oui ; ou assignés ?
     Mr. MARCONI.  Ils les assignent généralement en consultant les compagnies maritimes. Ils consultent les compagnies maritimes à leur sujet.
     Sénateur SMITH.  Quel est le salaire habituel d’un radiotélégraphiste ?
     Mr. MARCONI.  En Angleterre, sur les navires britanniques, je pense qu’ils débutent à environ 30 shillings par semaine, et peuvent monter jusqu’à 2 £ par semaines. En plus de cela, on leur paye la traversée et le logement. Ce que je vous dis là peut-être sujet à caution, car cela fait un certain temps que je ne suis plus lié directement à ces question. J’ai un directeur chargé de s’occuper de la question des salaires.
     Sénateur SMITH.  Votre déclaration est correcte, pour autant que vous l’ayez faite ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur.
     Sénateur SMITH.   En Amérique, quel est ce salaire ?
     Mr. MARCONI.  Je ne suis pas au courant du salaire exact payé en Amérique. Un officiel de la compagnie américaine est présent, et devrait être capable de vous donner une réponse précise.
     Sénateur SMITH.  Combien d’opérateurs étaient à bord du Titanic ?
     Mr. MARCONI.  Je crois qu’ils étaient deux.
     Sénateur SMITH.  Ont-ils survécu tous les deux, le savez-vous ?
     Mr. MARCONI.  Non, monsieur. Un s’est noyé ; est mort. C’était le chef opérateur, selon mes informations.
     Sénateur SMITH.  Et l’autre ?
     Mr. MARCONI.  Et l’autre a été repêché, je crois. Il est allé sur un radeau, sur un canot pliable, et a été secouru par le Carpathia, ayant été blessé au niveau des chevilles ou des jambes.
     Sénateur SMITH.  À quelque moment dimanche dernier, vos bureaux ont-ils été en communication avec le Titanic ?  
     Mr. MARCONI.  Je ne peux pas répondre à cela, mais je peux faire venir une personne qui le peut.
     Sénateur SMITH.  Avez-vous été en communication avec le Carpathia depuis le désastre du Titanic ?
     Mr. MARCONI.  Je pense que oui, du moins un grand nombre de messages sont parvenus du Carpathia à ma connaissance. Je n’ai pas envoyé de message au Carpathia, et n’en ai reçu aucun.
     Sénateur SMITH.  Votre compagnie l’a-t-elle fait ?
     Mr. MARCONI.  Ma compagnie l’a fait.
     Sénateur SMITH.  Votre compagnie n’a pas reçu de messages ?
     Mr. MARCONI.  Si ; ma compagnie, je crois, en a reçu.
     Sénateur SMITH.  Elle a à la fois envoyé et reçu des messages ?
     Mr. MARCONI.  Je crois que oui ; je n’en ai pas personnellement la connaissance, mais je crois qu’ils l’ont fait.
     Sénateur SMITH.  Diriez-vous à partir de ce que vous savez sur la réception des messages envoyés par et vers le navire que la télégraphie sans fil fonctionnait assez bien ?
     Mr. MARCONI.  Je pense qu’elle fonctionnait assez bien.
     Sénateur SMITH.  Vous pensez qu’elle était en bon état ?
     Mr. MARCONI.  En bon état ; oui.
     Sénateur SMITH.  Où est l’opérateur du Titanic qui a survécu ?
     Mr. MARCONI.  L’opérateur du Titanic est sur un autre navire de la Cunard ; à quai je crois ; je pense que c’est le Saxonia. On l’a déplacé là-bas, mais il est incapable de marcher à cause de la blessure à ses pieds.
     Sénateur SMITH.  Il n’est pas allé à l’hôpital ?
     Mr. MARCONI.  Non ; je ne crois pas.
     Sénateur SMITH.  Sur quel navire avez-vous dit qu’il était ?
     Mr. MARCONI.  Le Saxonia je pense.
     Sénateur SMITH.  Save-vous pourquoi il est sur le Saxonia ?
     Mr. MARCONI.  Parce que le Carpathia devait partir.
     Sénateur SMITH.  Aujourd’hui ?
     Mr. MARCONI.  Aujourd’hui ; et bien entendu il n’appartient pas au Carpathia. Il était simplement à bord.
     Sénateur SMITH.  Quand part le Saxonia ?
     Mr. MARCONI.  Je ne sais pas.
     Sénateur SMITH.  Ce n’est pas dans les intentions de l’opérateur de repartir immédiatement en Angleterre, n’est-ce pas ?
     Mr. MARCONI.  Non ; je ne pense pas, et il n’est pas non plus dans mes intentions qu’il parte.
     Sénateur SMITH.  Avez-vous de l’autorité sur lui ?
     Mr. MARCONI.  J’ai l’autorité que le président d’une société a sur ses employés.
     Sénateur SMITH.  Puis-je vous demander de le faire rester et se présenter devant le comité dès que ce sera faisable ?
     Mr. MARCONI.  Oui monsieur ; je serais très heureux de lui donner ces instructions.
     Sénateur SMITH.  Où est l’opérateur du Carpathia ?
     Mr. MARCONI.  L’opérateur du Carpathia a reçu pour instruction d’être ici à 3 heures.
     Sénateur SMITH.  Est-il ici ?
     Mr. MARCONI.  Je ne le vois pas. On devrait l’appeler. Cottam est son nom.
     Mr. JOHN W. GRIGGS.  Il n’est pas ici.
     Mr. MARCONI.  Il est parti sur le bateau pour changer de vêtements.
     Sénateur SMITH.  Et reviendra-t-il ici ?
     Mr. MARCONI.  Il devrait être de retour maintenant.
     Sénateur SMITH.  Je voudrais que vous lui demandiez de rester.
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur.
     Mr. GRIGGS.  Mr. le Président, si vous me permettez, je voudrais dire que l’opérateur du Carpathia tout comme l’opérateur assistant du Titanic ont été retenus sur instruction des cadres de la compagnie afin de se tenir au service du comité.
     Sénateur SMITH.  Je comprends cela, Gouverneur.
     Mr. GRIGGS.  Ils seront retenus aussi longtemps que nécessaire pour que le comité puisse les entendre. Concernant celui du Titanic, je doute vraiment qu’il puisse être enlevé à ses quartiers actuels sans grand inconfort.
     Sénateur SMITH.  Je comprends, Gouverneur, de la part des cadre que c’est la mesure qu’ils ont prise, mais ayant ici le président de la Marconi Co., j’ai jugé appréciable d’avoir dans le procès-verbal sa promesse approbatrice que cela devrait être fait.
     Mr. MARCONI.  Peut-être que je devrais faire expliquer quelque chose. Quand je dis que je suis le président de la Marconi Co. ces opérateurs sont en réalité les employés d’une compagnie affiliée à ce que nous appelons la Marconi Co., mais cette compagnie est contrôlée par la compagnie dont je suis le président.
     Sénateur SMITH.  Mais est-ce possible de dire que vous jugez avoir assez d’influence pour faire exaucer le souhait du comité ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur.
     Sénateur SMITH.  Je veux savoir si vous pouvez me dire par votre propre connaissance s’il y a eu de quelconques interférences de façon générale à partir du moment où la collision est survenue en mer, venant d’un service expérimental ou concurrent, au détriment de ce service.
     Mr. MARCONI.  Je dois dire, si vous me le permettez, que je n’ai vu ces opérateurs que quelques minutes ; et n’ayant pas été là, je ne peux pas vous donner de réponse vraiment définitive à cette question. Ils seront, sans doute, capables d’y répondre précisément, mais pour ce qui est de ma propre impression, c’est près de New York qu’il y a eu de légères interférences, mais à grande distance de New York, quand le Carpathia communiquait avec des stations de Long Island et en Nouvelle-Écosse, il n’y avait presque aucune interférence.
     Sénateur SMITH.  Pouvez-vous me dire quelle était l’ampleur de la zone où l’on a communiqué avec le Carpathia, généralement parlant – en considérant, par exemple, une transmission du type que vous décrivez ?
     Mr. MARCONI.  Oui.
     Sénateur SMITH.  Et pour le mettre en communication avec votre bureau ici. Au sujet du chemin de ce message, à quelle distance de son point de destination original pourrait s’étendre un message de ce type ?
     Mr. MARCONI.  Bien sûr, le message, je devrais dire, ne vient pas directement à notre bureau.
     Sénateur SMITH.  Eh bien, à votre –
     Mr. MARCONI.  Il est transmis à une station côtière.
     Sénateur SMITH.  À votre station côtière, alors.

     Mr. MARCONI.  Ensuite il est envoyé par câble à notre bureau.
     Sénateur SMITH.  Quand j’ai parlé de votre bureau, je voulais parler de la station côtière.
     Mr. MARCONI.  Le télégramme, ou les ondes de navires équipés de la façon dont le Carpathia est équipé, affecteraient une zone qui tiendrait dans un cercle de diamètre de trois ou quatre-cent miles. Le rayon d’action de la station étant de 200 miles, cela affecterait une zone de 200 miles tout autour. Je parle ici de portée maximale.
     Sénateur SMITH.  Donc des interférences seraient tout à fait possibles ?
     Mr. MARCONI.  Des interférences seraient tout à fait possibles, en supposant que les stations ou parties interférentes utilisaient la même longueur d’onde que le Carpathia. Heureusement, elles utilisent des longueurs d’onde différentes ; et on ne peut pas interférer en utilisant des longueurs d’onde différentes.
     Sénateur SMITH.  Quelle longueur d’onde serait nécessaire pour une communication comme celle que le Carpathia a établie en premier avec vos stations terrestres ?
     Mr. MARCONI.  Je dirais qu’ils utilisaient une onde de 600 mètres, qui est une des ondes de la convention internationale. Je n’ai pas d’information à ce sujet, mais je le suppose.
     Sénateur SMITH.  Est-ce le minimum établi par la convention internationale ?
     Mr. MARCONI.  Non ; c’est la plus longue.
     Sénateur SMITH.  Je voulais dire le maximum.
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur ; le maximum. La plus courte est de 300.
     Sénateur SMITH.  Et le minimum est de 300 ?
     Mr. MARCONI.  Oui.
     Sénateur SMITH.  C’était la longueur d’onde maximale –
     Mr. MARCONI.  Oui.
     Sénateur SMITH.  Prescrite par la convention internationale ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur.
     Sénateur SMITH.  L’instrument du Carpathia aurait été capable d’émettre à une plus grande longueur d’onde que 600 ?
     Mr. MARCONI.  Je ne pense pas.
     Sénateur SMITH.  Avez-vous entendu le capitaine du Carpathia témoigner ?
     Mr. MARCONI.  J’ai entendu la fin de son témoignage ; seulement la dernière partie.
     Sénateur SMITH.  L’avez-vous entendu dire qu’ils ont capté le message du Titanic de façon providentielle ?
     Mr. MARCONI.  Je l’ai entendu dire ça.
     Sénateur SMITH.  Que l’opérateur retirait ses chaussures et était sur le point de se coucher ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur ; j’admets volontiers que c’était providentiel.
     Sénateur SMITH.  Et que cinq minutes plus tard la communication aurait été impossible ?
     Mr. MARCONI.  C’était absolument providentiel. Je suis d’accord avec le capitaine.
     Sénateur SMITH.  Si l’opérateur n’est pas à son poste de travail, le message télégraphique ne dispose pas de signal pour le réveiller ?
     Mr. MARCONI.  Pas de la façon dont c’est installé sur la plupart des bateaux.
     Sénateur SMITH.  Y’en avait-il sur ce bateau ?
     Mr. MARCONI.  Ce n’était pas le cas, pour autant que je sois au courant.
     Sénateur SMITH.  Y’en avait-il sur le Titanic ?
     Mr. MARCONI.  Je ne pense pas.
     Sénateur SMITH.  Donc c’est absolument nécessaire que l’opérateur doive être à son poste tout le temps pour faciliter ou effectuer une communication avec les navires ou les stations côtières ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur ; ou des navires en détresse, je dirais.
     Sénateur SMITH.  Des navires en détresse et des stations côtières ?
     Mr. MARCONI.  Et des stations côtières. Bien sûr, si une station côtière ou un navire appelle un autre navire et que l’opérateur ne répond pas, on attend simplement un moment, jusqu’à ce que l’opérateur se réveille ou jusqu’à ce qu’il revienne. Je parle des communications commerciales ordinaires.
     Sénateur SMITH.  Oui, mais plus tard dans ce cas précis aurait certainement signifié que tous ces passagers et membres d’équipage qui ont été sauvés auraient disparu.
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur ; je l’admets certainement.
     Sénateur SMITH.  Vous souvenez vous d’une quelconque réglementation internationale de la convention de Berlin ou d’une quelconque disposition concernant ce sujet ?
     Mr. MARCONI.  Je ne pense pas qu’il y ait aucune disposition concernant ce point.
     Sénateur SMITH.  Ne devrait-il pas incomber aux navires en mer disposant d’appareils de télégraphie sans fil de toujours avoir un opérateur devant sa clé ?
     Mr. MARCONI.  Je pense que ce devrait certainement être le cas. Bien sûr, cela pourrait être assez difficile sur de petits navires. Les exploitants ne vont pas apprécier la dépense de deux hommes.
     Sénateur SMITH.  Sur la base de salaires anglais, ce ne serait pas très grave ?
     Mr. MARCONI.  Non ; ce ne le serait pas, mais c’est vraiment un point qui gêne les affréteurs ; ils n’aiment pas embarquer deux opérateurs quand ils peuvent se contenter d’un seul.
     Sénateur SMITH.  Sur le Titanic, si vous le savez, y avait-il un relais constant ?
     Mr. MARCONI.  Vous voulez dire une veille constante ? Une attention constante ?
     Sénateur SMITH.  Oui.
     Mr. MARCONI.  Oui ; il devrait y en avoir et il y en a eu une.
     Sénateur SMITH.  C’était le but en ayant deux opérateurs ?
     Mr. MARCONI. C’était le but en ayant deux opérateurs, et aussi dans le but de s’occuper du plus grand nombre de messages qui parviennent à un navire plus grand et plus important.
     Sénateur SMITH.  Ces hommes sont-ils égaux en compétence ?
     Mr. MARCONI.  En général il y a un homme responsable qui est expérimenté, et l’autre est aussi un télégraphiste, mais un plus jeune homme de moindre d’expérience.
     Sénateur SMITH.  Et de moindre rémunération ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur. Je dois, si vous me le permettez, préciser que les télégraphistes sans fil employés sur les navires britanniques doivent avoir un certificat de compétence remis par le Gouvernement Britannique, sans quoi ils n’ont pas le droit de servir.
     Sénateur SMITH.  Cela se rapporte-t-il à leur compétence en tant qu’opérateurs ?
     Mr. MARCONI.  Je pense que oui.
     Sénateur SMITH.  Cela comprend il leur caractère en tant qu’homme ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur.
     Sénateur SMITH.  Et leur condition générale ?
     Mr. MARCONI.  Et leur condition générale.
     Sénateur SMITH.  Avez-vous beaucoup de difficultés à pourvoir vos stations avec des opérateurs ?
     Mr. MARCONI.  Parfois nous en avons. Cela prend du temps pour les entraîner. Nous les formons dans une école à nous.
     Sénateur SMITH.  Avez-vous des règles touchant à la question de leurs habitudes ?
     Mr. MARCONI.  Ils doivent être sujets à la discipline de leur navire. Ils doivent obéir au capitaine, comme tout le monde à bord d’un navire doit le faire, et bien entendu ils doivent se conduire de façon décente à terre. Ils ne doivent pas discréditer le service d’une façon ou d’une autre.
     Sénateur SMITH.  Je voudrais vous demander si, à votre avis, les opérateurs amateurs de stations télégraphiques réduisent délibérément l’efficacité du travail concret à terre et en mer ?
     Mr. MARCONI.  Je pense qu’ils minimisent ou gênent effectivement les communications utiles, car dans une occasion telle que celle-là on m’a dit – je désire toujours la confirmation d’un homme qui était là – mais, si je me souviens bien, on m’a dit la nuit dernière qu’un grand nombre de stations inconnues ont appelé le capitaine pour demander des nouvelles.
     Sénateur SMITH.  Des stations inconnues ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur. Bien sûr le navire ne répondait pas à l’exception des stations autorisées à émettre. Cela cause des interférences et des problèmes.
     En Angleterre, bien entendu, c’est impossible, car les stations n’ont pas la permission de faire ça.
     Sénateur SMITH.  Depuis combien de temps la télégraphie sans fil est-elle une science appliquée ?
     Mr. MARCONI.  Je pense que c’est une science appliquée depuis – vous voulez dire dans le domaine de la marine ?
     Sénateur SMITH.  Dans le domaine de la marine.
     Mr. MARCONI.  Je dirais depuis 1900. Bien sûr, de grandes avancées ont été faites depuis.
     Sénateur SMITH.  Qui est l’auteur de la première expérience réussie ?
     Mr. MARCONI.  Sur des navires ?
     Sénateur SMITH.  Oui.
     Mr. MARCONI.  Je pense que c’est moi-même.
     Sénateur SMITH.  En quelle année ?
     Mr. MARCONI.  En 1897.
     Sénateur SMITH.  Depuis ce moment, l’avez-vous trouvée efficace dans des cas similaires ?
     Mr. MARCONI.  À celui du Titanic et du Carpathia ? Oui ; je suis très heureux de dire que cela a eu un rôle primordial dans un grand nombre de cas.
     Sénateur SMITH.  Dans quels cas ?
     Mr. MARCONI.  Le plus important, avec le recul, était la collision qui est survenue entre le Republic, de la White Star Line, et le Florida, près de Nantucket ; quand de l’aide a été appelée ; et, heureusement, dans ce cas presque tout le monde a été sauvé.
     D’autres cas sont survenus avec d’autres navires. Je me souviens d’un bateau-feu dans la Manche qui avait été heurté il y a plus de dix ans et a obtenu de l’aide par ce même moyen ; et un des paquebots de la Cunard a eu des soucis il y a quelques temps – longtemps – et a appelé de l’aide par les mêmes méthodes. Bien sûr les deux cas importants et sensationnels où l’utilité a été prouvée sont le naufrage du Republic, et le drame du Titanic.
     Sénateur SMITH.  Considérez-vous la convention de Berlin comme une étape vers l’utilisation internationale de la télégraphie sans fil ?
     Mr. MARCONI.  Je pense qu’en ce qui concerne la navigation et les stations côtières c’est une bonne réglementation. C’est un moyen de réglementer le travail et de prévenir les interférences ; à condition, cependant, qu’elle soit bien appliquée par les gouvernements concernés.
     Sénateur SMITH.  Combien de stations de télégraphie sans fil y a-t-il aujourd’hui aux États-Unis ; le savez-vous ?
     Mr. MARCONI.  Je ne sais pas exactement, mais il y en a un bon nombre.
     Sénateur SMITH.  Quelle est la distance maximale sur laquelle des communications peuvent se faire convenable ?
     Mr. MARCONI.  La plus longue distance dont je peux me souvenir est entre l’Irlande et la République d’Argentine.
     Sénateur SMITH.  Depuis où ?
     Mr. MARCONI.  L’Irlande.
     Sénateur SMITH.  À partir de quel point ?
     Mr. MARCONI.  De Clifton, Irlande, à Buenos Aires.
     Sénateur SMITH.  En  République d’Argentine ?
     Mr. MARCONI.  Oui ; en République d’Argentine. C’est à 6 000 miles.
     Sénateur SMITH.  Vous avez une connaissance personnelle de la justesse de cela ?
     Mr. MARCONI.  J’en ai une connaissance personnelle, car je me trouvais au point de réception quand le message a été reçu.
     Sénateur SMITH.  Vous étiez au point de réception ?
     Mr. MARCONI.  J’étais en Amérique du Sud, à Buenos Aires. Mes assistants étaient en Irlande.
     Sénateur SMITH.  Quelle longueur d’onde était utilisée pour ce test ?
     Mr. MARCONI.  Une longueur d’onde entre 7 000 et 8 000 mètres, 25 000 pieds.
     Sénateur SMITH.  Dans le cadre de cette expérience, y avait-il des obstacles montagneux ?
     Mr. MARCONI.  Il y avait une partie de la côte du Brésil qui intervenait entre les deux.
     Sénateur SMITH.  Et elle est montagneuse ?
     Mr. MARCONI.  Elle est montagneuse à cet endroit.
     Sénateur SMITH.  Le Californian était-il équipé de télégraphie sans fil ?
     Mr. MARCONI.  Je ne sais pas.
     Sénateur SMITH.  Il n’a pas été équipé par vous ?
     Mr. MARCONI.  Je ne pourrais pas le dire, dans un sens ou dans l’autre. Je dois dire que je voyage énormément et que des navires sont équipés en Angleterre quand je ne suis pas là.
     Sénateur SMITH.  Avez-vous fait de quelconques expériences de ce type concernant le service transocéanique ?

     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur. On l’emploie actuellement pour transmettre des messages entre le Canada et l’Irlande, entre un endroit appelé Glace Bay au Canada, et un autre endroit nommé Clifton, en Irlande.
     Sénateur SMITH.  Cela suppose-t-il une phase pratique ?
     Mr. MARCONI.  C’est une base pratique et commerciale, la distance était environ de 2 000 miles entre les deux points.
     Sénateur SMITH.  Quelle est la longueur d’onde requise ?
     Mr. MARCONI.  La longueur d’onde est de 7 000 mètres.
     Sénateur SMITH.  Quand a été réalisée cette communication entre l’Irlande et Buenos Aires ?
     Mr. MARCONI.  C’était en octobre, en 1910.
     Sénateur SMITH.  Y-a-il un test de compétences prescrit par quelque organisme spécial en Angleterre ?
     Mr. MARCONI.  Oui ; les opérateurs doivent passer un test d’efficacité devant les autorités des postes, qui contrôlent les télégraphes en Angleterre.
     Sénateur SMITH.  Y’en a-t-il dans ce pays ?
     Mr. MARCONI.  Je pense qu’il y en a désormais.
     Sénateur SMITH.  Depuis quand ?
     Mr. MARCONI.  Depuis qu’une loi a été passée pour obliger les navires à passagers de transporter des appareils de télégraphie sans fil.
     Sénateur SMITH.  Il y a environ deux ans ? 
     Mr. MARCONI. Il y a environ deux ans.
     Sénateur SMITH.  Il semble y avoir une distinction entre le trafic commercial et le trafic d’urgence, le trafic entre navires. Pourquoi devrait-il en être ainsi ?
     Mr. MARCONI.  Pour cette raison : le service commercial est payé et rémunéré entre les navires et les stations côtières et les organisations travaillant avec des télégraphes à terre, tandis que, bien entendu, pour les messages de détresse et les messages affectant la sécurité des navires, aucune charge n’est retenue et ce n’est pas en soi un trafic commercial.
     Sénateur SMITH.  La convention de Berlin, cependant, exalte le rôle d’urgence de la télégraphie sans fil, en donnant aux appels de détresse la priorité sur tous les autres appels, n’est-ce pas ?
     Mr. MARCONI.  Oui, monsieur ; elle nous a copiés en cela, car c’était une de nos directives avant qu’il n’y ait de convention de Berlin.
     Sénateur SMITH.  Cela a également la priorité sur les affaires gouvernementales, n’est-ce pas ?
     Mr. MARCONI.  Même sur les affaires gouvernementales ; oui.
     Sénateur SMITH.  Mr. Marconi, y a-t-il eu des ordres donnés par la Marconi Co., aux opérateurs ou à l’opérateur sur le Carpathia, concernant la réception et l’envoi des messages ?
     Mr. MARCONI.  Aucun d’aucune sorte.
     Sénateur SMITH.  Savez-vous quoi que ce soit à propos de la tentative du Président des États-Unis pour communiquer avec le Carpathia ?
     Mr. MARCONI.  Rien à l’exception de ce que j’ai lu dans les journaux.
     Sénateur SMITH.  Mais, pour autant que vous le sachiez, il n’y avait pas de disposition pour censurer ou contrôler les opérateurs du Carpathia.
     Mr. MARCONI.  Il n’y en avait strictement aucune ; et plus encore, j’étais très surpris par les choses rapportées dans la presse, comme quoi une réponse a été refusée ou n’a pas été transmise.
     Sénateur SMITH.  Savez-vous s’il y a eu une réponse refusée ?
     Mr. MARCONI.  Seulement par ce que j’ai vu dans la presse. Je dirais que l’opérateur bien sûr, peut parler pour lui-même ; mais je lui ai posé la question la nuit dernière quand j’ai embarqué sur le Carpathia et il m’a dit qu’il n’avait jamais ne serait-ce qu’imaginé refuser de répondre à un message envoyé par le Président.
     Sénateur SMITH.  Je pense que c’est tout. Nous vous sommes très reconnaissants.

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