Témoignage du Maj. Arthur G. Peuchen.
Le témoin a prêté serment devant le président.
Sénateur SMITH. Voudriez-vous bien donner au rapporteur votre nom complet ?
Maj. PEUCHEN. Arthur Godfrey Peuchen.
Sénateur SMITH. Où vivez-vous ?
Maj. PEUCHEN. Toronto, Canada.
Sénateur SMITH. Quel âge avez-vous ?
Maj. PEUCHEN. Cinquante-trois ans.
Sénateur SMITH. Quelle est votre profession ?
Maj. PEUCHEN. Fabriquant de produits chimiques.
Sénateur SMITH. Avez-vous un grade particulier, civil ou militaire en Grande-Bretagne ?
Maj. PEUCHEN. Je suis major dans la milice canadienne.
Sénateur SMITH. Étiez-vous à bord du Titanic quand il est parti de Southampton ?
Maj. PEUCHEN. J’y étais.
Sénateur SMITH. Quand avez-vous embarqué sur le navire ?
Maj. PEUCHEN. Vingt minutes avant le départ, je dirais ; une demi-heure.
Sénateur SMITH. À quelle heure est-il parti ?
Maj. PEUCHEN. Je dirais peu après 12 heures ; un peu après midi.
Sénateur SMITH. Quel jour de la semaine ?
Maj. PEUCHEN. Mercredi, le 10.
Sénateur SMITH. En avril ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Avez-vous participé au voyage entre Belfast Lough et Southampton ?
Maj. PEUCHEN. Non ; oh, non.
Sénateur SMITH. Aviez-vous déjà vu ce navire auparavant ?
Maj. PEUCHEN. Jamais.
Sénateur SMITH. Étiez-vous accompagné par quelqu’un ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; quelques amis.
Sénateur SMITH. Qui ?
Maj. PEUCHEN. Mr. Markleham Molson, l’un de mes co-directeurs, était mon ami proche pour ce voyage ; Mr. Allison et Mrs. Allison.
Sénateur SMITH. D’où venaient-ils ?
Maj. PEUCHEN. Montréal.
Sénateur SMITH. Tous étaient canadiens ?
Maj. PEUCHEN. Canadiens ; oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Vos amis ont-ils survécu ?
Maj. PEUCHEN. Non ; tous sont morts.
Sénateur SMITH. Où étiez-vous logés à bord du navire ? Où étaient vos quartiers et où étaient logés vos amis ?
Maj. PEUCHEN. J’étais logé sur le pont C, cabine 104, et ils étaient sur le pont A, A-2 je crois. J’ai oublié le numéro de Mr. Allison, mais la plupart de mes amis étaient sur le pont A.
Sénateur SMITH. C’était le pont juste au-dessus du votre ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur ; le deuxième au-dessus.
Sénateur SMITH. Le deuxième au-dessus ; oui. Et le pont A était juste en dessous du pont des embarcations ?
Maj. PEUCHEN. Juste en dessous.
Sénateur SMITH. Le pont supérieur ?
Maj. PEUCHEN. Juste sous la passerelle, je pense ; juste sous le pont supérieur. Je suppose que vous avez raison, monsieur.
Sénateur SMITH. Connaissiez-vous qui que ce soit d’autre sur le pont C ?
Maj. PEUCHEN. Non, je ne peux pas dire que c’est le cas.
Sénateur SMITH. Connaissiez-vous d’autres passagers sur le pont A à part ceux que vous avez nommés ?
Maj. PEUCHEN. Oui, quelques-uns.
Sénateur SMITH. Qui ?
Maj. PEUCHEN. Mr. Hugo Ross.
Sénateur SMITH. Donnez son adresse, si vous le pouvez.
Maj. PEUCHEN. Mr. Hugo Ross, de Winnipeg ; Mr. Beatty, de Winnipeg ; Mr. McCaffrey, de Vancouver.
Sénateur SMITH. Où étaient-ils logés ?
Maj. PEUCHEN. Sur le pont A.
Sénateur SMITH. Connaissez-vous les cabines ?
Maj. PEUCHEN. Mr. Hugo Ross, qui était de mes amis, était, je crois, dans la cabine A-12, et les autres étaient dans la A-8, et d’autres numéros de ce genre, pas loin.
Sénateur SMITH. Ont-ils survécu ?
Maj. PEUCHEN. Non.
Sénateur SMITH. Connaissiez-vous d’autres passagers sur le Titanic pendant ce voyage depuis Southampton ou depuis Queenstown ?
Maj. PEUCHEN. Mr. Charles M. Hays, de Montréal.
Sénateur SMITH. Qui était-ce ?
Maj. PEUCHEN. C’est le président et directeur général de la Grand Trunk Railroad. Mr. Davidson, son gendre, de Montréal ; Mr. Fortune et son fils, de Winnipeg.
Sénateur SMITH. Savez-vous où ils étaient logés sur le navire ?
Maj. PEUCHEN. Non ; je ne sais pas, monsieur.
Sénateur SMITH. Les avez-vous vus à bord ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; je leur ai parlé à tous.
Sénateur SMITH. Savez-vous s’ils ont survécu ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur ; ils ont tous péri, monsieur.
Sénateur SMITH. Si je vous comprends bien, vous ne savez pas sur quel pont Mr. Hays ou les autres personnes cités étaient ?
Maj. PEUCHEN. Non ; à part que je sais où étaient Mr. Beatty et Mr. McCaffery.
Sénateur SMITH. Où étaient-ils ?
Maj. PEUCHEN. Ils étaient sur le pont A, comme je l’ai déjà expliqué. Les autres, je ne sais pas où ils étaient.
Sénateur SMITH. Connaissiez-vous d’autres passagers ?
Maj. PEUCHEN. Oh, j’ai rencontré un certain nombre d’autres passagers.
Sénateur SMITH. Qui ?
Maj. PEUCHEN. J’ai rencontré Mrs. Gibson et Miss Gibson, de New York, et Mr. Foreman, de New York. Ces gens, je ne les connaissais pas bien. Les autres, je les connaissais avant de monter sur le paquebot.
Sénateur SMITH. Si vous pouvez vous rappeler d’autres noms de qui que ce soit d’autre que vous ayez rencontré, je voudrais que vous le fassiez.
Maj. PEUCHEN. J’ai rencontré un certain nombre de rescapés, après, sur le Carpathia – sur l’autre navire.
Sénateur SMITH. Avez-vous rencontré à bord du navire quiconque d’autre parmi les victimes ?
Maj. PEUCHEN. Je ne pense pas en avoir rencontrés beaucoup d’autres. À part mon cercle d’amis, qui étaient environ une dizaine – ça ne faisait que trois jours que nous étions partis – je ne me souviens pas d’avoir rencontré beaucoup d’autres gens. J’ai parlé à un certain nombre, mais pas au point de sympathiser.
Sénateur SMITH. Vous souvenez-vous avoir vu une liste des passagers ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Après avoir quitté Southampton ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; j’ai parcouru la liste.
Sénateur SMITH. Avez-vous conservé cette liste ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur ; je ne l’ai pas fait. Il n’y en a eu qu’une ou deux de conservées par les survivants.
Sénateur SMITH. Savez-vous qui en possède une ?
Maj. PEUCHEN. Je les ai vus en copier une dans le fumoir du Carpathia ; juste une, je pense.
Sénateur SMITH. Qui l’avait ?
Maj. PEUCHEN. Je ne me souviens plus. C’était un jeune homme, un beau jeune homme, qui était dans le fumoir.
Sénateur SMITH. Vous ne vous souvenez plus de son nom ?
Maj. PEUCHEN. Je ne me souviens plus ; non, monsieur.
Sénateur SMITH. L’avez-vous vu depuis ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur ; pas depuis que j’ai quitté le navire.
Sénateur SMITH. Est-ce que la liste des passagers indiquait l’emplacement des passagers sur le navire ?
Maj. PEUCHEN. Non ; juste les noms.
Sénateur SMITH. Juste les noms ?
Maj. PEUCHEN. Oui.
Sénateur SMITH. Ils étaient indiqués dans l’ordre alphabétique ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; dans l’ordre alphabétique.
Sénateur SMITH. Avez-vous demandé à cette personne du Carpathia de vous en laisser une liste ?
Maj. PEUCHEN. Non ; je ne l’ai pas fait monsieur. Plusieurs en faisaient des copies.
Sénateur SMITH. Major, je voudrais que vous disiez au comité avec vos propres mots, en commençant par le moment où vous avez embarqué sur le navire, le Titanic, à Southampton, quelle était la météo durant le voyage ; s’il y a eu ou non un accident avant la collision qui a causé la perte du navire ; s’il y a eu un incendie à bord du navire entre Southampton et le lieu de la catastrophe ; si vous avez vu un exercice des officiers ou des marins ; et, aussi fidèlement que vous le puissiez, à votre propre manière, ce qui s’est passé à partir du départ du Titanic. Vous pouvez le faire comme vous l’entendez, et ne serez pas interrompu jusqu’à ce que vous ayez terminé.
Maj. PEUCHEN. Ce jour-là était un beau jour. Peu après avoir quitté notre quai, nos remous ou la succion ont causé des problèmes au bout du quai près duquel nous passions, auquel étaient amarrés deux ou trois bateaux de la même compagnie que notre bateau. Il y a eu une grande panique à bord de ces bateaux du fait de la rupture de leurs amarres, mais il n’y avait pas de panique à bord du nôtre, le Titanic. Il y a aussi eu une certaine panique sur les quais quand le plus grand navire a commencé à briser une ou deux de ses amarres. Mais je ne pense pas qu’il y ait eu d’accident.
Le plus petit navire, je pense, était le New York. Il est parti à la dérive, n’étant pas alimenté et n’ayant aucun contrôle de lui-même. Le résultat était qu’il était impossible à guider. D’abord, il a dérivé vers notre poupe, puis nous a longés et s’est approché très près de notre proue. Je pense que nous avons arrêté notre navire et que nous étions juste immobiles. Ils ont fait venir un ou deux remorqueurs pour prendre en charge le New York et l’ont mis hors de danger. Je dirais que nous avons été retardés de trois quarts d’heure par ce problème. Puis nous avons quitté le port.
La météo jusqu’au dimanche était plaisante. Il y avait très peu de vent ; c’était tout à fait calme. Tout semblait se passer à la perfection sur le navire, et rien n’est survenu. Il n’y avait pas mention d’un feu, à aucun moment. En fait, c’était un voyage très plaisant jusqu’au dimanche soir. Nous étions tous très heureux de la progression du nouveau navire et avions espoir d’arriver à New York assez tôt mercredi matin.
Voulez-vous que je poursuive ?
Sénateur SMITH. Continuez directement. Je veux que vous poursuiviez votre témoignage, à votre manière, jusqu’au moment où vous êtes monté sur le Carpathia
Maj. PEUCHEN. Ce serait une histoire assez longue.
Sénateur SMITH. Eh bien, je la veux dans le procès-verbal, Major.
Maj. PEUCHEN. Dimanche soir, j’ai dîné avec mes amis, Markleham Molson, Mr. Allison, et Mrs. Allison ; et leur fille était là pour un petit moment. Le dîner était un dîner exceptionnellement bon. Le menu semblait meilleur que d’habitude, même s’ils sont tous bons. Après le dîner mes amis et moi sommes allés au salon et avons pris un café. J’ai quitté les amis avec qui j’avais dîné à 9 heures, je pense, ou un peu après. Je suis ensuite monté au fumoir et ai rejoint Mr. Beatty, Mr. McCaffery, et un autre gentleman anglais qui allait au Canada. Nous nous sommes assis pour bavarder et fumer jusque vers 20 minutes après 11 heures, ou c’était peut-être un peu plus tard que ça, puis je leur ai souhaité bonne nuit et je suis allé à ma cabine. Je me suis probablement arrêté, en descendant, mais j’avais tout juste atteint ma cabine et je commençais à me déshabiller quand j’ai senti quelque chose comme si une puissante vague avait frappé le navire. Il a comme frissonné à cause de ça. S’il y avait eu une forte mer j’aurais simplement pensé qu’une vague inhabituelle avait frappé le bateau ; mais sachant que la nuit était calme et que c’était quelque chose d’inhabituel par nuit calme, j’ai immédiatement passé mon pardessus et suis monté sur le pont. Comme je commençais à gravir le grand escalier j’ai rencontré un ami, qui a dit « Bon sang, nous avons heurté un iceberg. » [À plusieurs reprises, Peuchen introduit ces citations par l’interjection « Why », assez peu usitée dans ce sens et aujourd’hui considérée comme datée. Je l’ai systématiquement traduite par « Bon sang » pour refléter ce tic de langage, NdT]
Sénateur SMITH. Donnez son nom si vous le pouvez.
Maj. PEUCHEN. Je ne parviens pas à me souvenir de son nom. C’était seulement une connaissance que j’avais croisée. Il a dit : « Si vous voulez monter sur le pont supérieur » ou « Si vous voulez monter sur le pont A, vous verrez de la glace à l’avant du navire ». Donc je l’ai fait. Je suis monté là. Je suppose que la glace était tombée à l’intérieur du bastingage, probablement 4 à 4 pieds et demi. On aurait dit des morceaux de glace, de la glace molle. Mais vous pouviez en voir une bonne quantité à l’avant du navire. Je suis resté sur le pont pour quelques minutes, parlant à d’autres amis, et je suis ensuite allé voir mon ami, Mr. Hugo Ross, pour lui dire que ce n’était pas sérieux ; que nous avions juste heurté un iceberg. J’ai aussi été voir Mr. Molson dans sa cabine, mais il était sorti. J’ai ensuite croisé Mr. Molson sur le pont et nous avons discuté de ce sujet, et je suppose quinze minutes après, j’ai rencontré Mr. Hays, son gendre, et je lui ai dit, « Mr. Hays, avez-vous vu la glace ? » Il m’a dit : « Non ». J’ai dit : « Si vous voulez la voir je vous emmènerai sur le pont et vous la montrerai. » Donc nous sommes montés, probablement du pont C au pont A et vers l’avant, et j’ai montré à Mr. Hays la glace à l’avant. Je me suis pris à regarder et j’ai noté que le navire gîtait, probablement une demi-heure après mon premier passage sur le pont supérieur. J’ai dit à Mr. Hays : « Bon sang, il gîte ; il ne devrait pas, l’eau est parfaitement calme et le navire est arrêté. » J’ai senti que c’était plutôt sérieux. Il a dit : « Oh, je ne sais pas ; on ne peut pas couler ce navire. » Il était extrêmement confiant. Il a dit : « Quoi que nous ayons touché, il est bon pour tenir 8 ou 10 heures. »
Je venais à peine de revenir au grand escalier – j’ai probablement attendu là 10 minutes de plus – quand j’ai vu les hommes et femmes tous rentrer du pont avec l’air très sérieux, et je suis allé voir Mr. Beatty, et j’ai dit : « Quel est le problème ? » Il a dit « Bon sang, ordre a été donné de chercher les gilets de sauvetage et d’aller aux canots. » Je ne pouvais pas y croire, tout d’abord : cela semblait si soudain. J’ai dit : « Allez-vous prévenir Mr. Ross ? »
Il m’a dit : « Oui ; je vais aller voir Mr. Ross ». Je suis ensuite allé à ma cabine et me suis changé aussi vite que possible de ma tenue de soirée à des vêtements chauds. Dès que j’ai passé mon pardessus, j’ai mis mon gilet de sauvetage et suis sorti de ma cabine.
Dans la coursive j’ai croisé beaucoup de monde, hommes et femmes, portant leurs gilets de sauvetage, et les femmes pleuraient principalement, pour la plupart. C’était une vision assez grave, et j’ai commencé à comprendre à quel point le problème était grave. Je suis ensuite monté sur le pont des embarcations et ai vu qu’ils avaient dégagé –
Sénateur SMITH. (s’interposant). Pardonnez-moi un moment. Vous étiez toujours sur le pont C ?
Maj. PEUCHEN. J’étais sur le pont C quand je suis sorti et ai vu des gens se tenant dans la coursive près du grand escalier. J’ai ensuite monté les escaliers jusqu’au pont des embarcations, qui est le pont au-dessus du pont A.
J’ai vu que les canots étaient tous prêts à servir ; c’est-à-dire, que les bâches avaient été enlevées, et les cordes dégagées, prêtes à l’affalement. C’était du côté bâbord. Je me tenais près du second officier, et le capitaine était là également, à ce moment. Le capitaine a dit – je ne sais pas si c’était le capitaine ou le second officier qui l’a dit – « Nous allons devoir sortir ces mâts de ces canots, et aussi la voile ». Il a dit « Vous pourriez nous donner un coup de main » et j’ai sauté dans le canot, et nous avons pris un couteau et coupé les liens du mât, qui est un mât très lourd, et aussi la voile, et les avons sortis du canot, en disant que ce ne serait pas utile. Ensuite il y a eu un cri, dès que cela a été fait, que le canot était prêt à embarquer les femmes ; pour que les femmes avancent une à une. Un grand nombre de femmes avec leurs maris.
Sénateur SMITH. Juste une seconde, avant que vous en veniez à ça. Quel était le numéro du canot dans lequel vous êtes monté ?
Maj. PEUCHEN. Je suis monté dans – je crois que c’était – le premier gros canot avant à bâbord, et j’imagine, vu la manière dont ils numérotent ces canots, que le canot de secours est le 2, et que le premier gros est le 4, et le suivant le 6. Je ne suis pas certain de ça.
Sénateur SMITH. En commençant à compter de l’extrémité avant ?
Maj. PEUCHEN. De l’extrémité avant ; de la proue.
Sénateur SMITH. Du côté bâbord ?
Maj. PEUCHEN. Du côté bâbord. C’était le plus gros canot – le premier gros canot vers la proue du côté bâbord. Ils ne laissaient monter que les femmes dans ce canot, et les hommes devaient rester en arrière.
Sénateur SMITH. Y a-t-il eu un ordre donné à cet effet ?
Maj. PEUCHEN. C’était l’ordre. Le deuxième officier se tenait là et faisait respecter cette limite. Il n’autorisait aucun homme à part les marins, qui dirigeaient le canot, mais il n’y avait pas de passagers que j’ai vus monter dans ce canot.
Sénateur SMITH. Combien de marins ?
Maj. PEUCHEN. Je ne suis pas certain, mais j’imagine qu’il y en avait environ quatre. Pour autant que ma mémoire me soit fidèle, il y en avait environ quatre. J’étais occupé à aider et assister les femmes pour monter. Après qu’un nombre raisonnable de femmes est monté, il a été descendu, mais je n’ai pas vu un seul passager monter dans ce premier canot.
Sénateur FLETCHER. Vous voulez dire passager masculin.
Maj. PEUCHEN. Oui ; passager masculin.
Sénateur SMITH. En avez-vous vu tenter de monter ?
Maj. PEUCHEN. Non ; je n’ai jamais vu cela. L’ordre était parfait. La discipline était remarquable. Les officiers accomplissaient leur devoir et je pense que les passagers se sont splendidement comportés. Je n’ai pas vu d’acte de lâcheté par aucun homme.
Sénateur SMITH. Est-ce que le canot a été abaissé en toute sécurité ?
Maj. PEUCHEN. Le canot a été chargé, mais je pense qu’ils auraient pu en prendre plus dans ce canot. Ils ont pris, cependant, toutes les dames qui ont proposé de monter à ce moment.
Sénateur SMITH. Est-ce que le canot a été abaissé en toute sécurité ?
Maj. PEUCHEN. Oh, très ; le canot a été abaissé en toute sécurité.
Sénateur SMITH. Qui était dedans à votre connaissance ?
Maj. PEUCHEN. Je dirais environ – je ne sais pas – j’imagine 26 ou 27. Il y avait de la place pour plus.
Ensuite, dès que le canot a été abaissé, nous avons tourné notre attention vers le suivant.
Je dirais que j’ai été assez surpris que les marins n’aient pas été à leurs postes, car j’avais vu très souvent des exercices d’incendie sur des navires, où ils devaient tous se tenir au garde à vous, tant d’hommes à la proue et la poupe de ces canots. Ils semblaient manquer de marins autour des canots qui étaient abaissés à ce moment particulier. Je ne sais pas ce qui se passait à d’autres endroits sur le navire.
Il y a eu un événement, monsieur, que je voudrais mentionner un peu avant dans mon histoire. Quand je suis monté sur le pont la première fois, sur ce pont supérieur, il y avait, il me semble, environ 100 soutiers qui sont montés avec leur sac de fardage, et ils semblaient encombrer tout le pont devant les canots. Un des officiers – je ne sais pas lequel, mais un très costaud – est venu et a fait immédiatement partir ces hommes de ce pont. C’était un acte splendide.
Sénateur SMITH. Du pont des embarcations ?
Maj. PEUCHEN. Du pont des embarcations. Il les a conduits, chaque homme, comme un troupeau de moutons, hors de ce pont.
Sénateur SMITH. Où sont-ils allés ?
Maj. PEUCHEN. Je ne sais pas. Il les a fait partir devant lui, et ils ont disparu. Je ne sais pas où ils sont allés, mais c’était un acte splendide. Ils n’ont opposé aucune résistance. Je l’ai admiré pour ça.
J’avais fini avec la descente du premier canot à bâbord. Nous sommes ensuite allés nous occuper du canot n°2, ou n°4, ou n°6 ; je ne sais plus lequel c’est.
Sénateur SMITH. Vous êtiez monté dans le canot pour aider à le descendre ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; puis j’en suis ressorti.
Sénateur SMITH. Et vous en êtes ressorti ?
Maj. PEUCHEN. Je ne suis monté dans ce canot que pour aider à sortir le mât et la voile.
Sénateur SMITH. Je comprends. Ensuite vous êtes ressorti ?
Maj. PEUCHEN. Ensuite je suis ressorti, et j’ai aidé à mettre les dames dans le canot. Nous sommes ensuite allés au canot suivant et nous avons fait la même chose – en sortir le mât et la voile. Il y avait un quartier-maître dans le canot, et un marin, et nous avons commencé à mettre les dames dans ce canot. Une fois que ce canot a eu son chargement complet de femmes, il n’y avait plus de femmes à faire monter, ou s’il y avait d’autres femmes elles ne voulaient pas le faire, car nous les appelions – j’entends, je parle du côté bâbord – mais certaines ne voulaient pas quitter leurs maris.
Sénateur SMITH. Savez-vous qui elles étaient ?
Maj. PEUCHEN. Je n’en ai vu qu’une ou deux ici qui ne voulaient pas monter. Si elles sont parties ensuite, je ne peux le dire, mais j’ai vu une ou deux femmes refuser de monter dans ce cas-là
Sénateur SMITH. Avez-vous vu une femme monter puis sortir car son mari n’était pas avec elle ?
Maj. PEUCHEN. Non, je ne crois pas, j’ai vu une femme qu’ils ont dû en quelque sorte tirer loin de son mari, celui-ci insistant pour qu’elle monte dans le canot et elle refusant d’y aller.
Le canot a ensuite été abaissé, et quand il est –
Sénateur SMITH. (s’interposant). Pardonnez-moi un instant. Combien ont été placés dans ce deuxième canot ?
Maj. PEUCHEN. Je ne savais pas au moment où il a été abaissé, mais comme je me suis trouvé être passager par la suite, ils ont été comptés et il y avait exactement 20 femmes, 1 quartier-maître, 1 marin, et 1 passager clandestin qui est apparu environ une heure après notre départ.
Sénateur SMITH. Vingt-trois en tout ?
Maj. PEUCHEN. Vingt-trois en tout ; avant que je sois passager.
Après que le canot a été abaissé sur une certaine distance, j’imagine qu’il était probablement parallèle avec le pont C, quand le quartier-maître a appelé l’officier et a dit « Je ne peux gérer ce canot avec seulement un marin ».
Sénateur SMITH. D’où venait cet appel ?
Maj. PEUCHEN. Comme le canot était en train de descendre, je dirais vers le troisième pont. Donc il a lancé son appel à l’aide, et le deuxième officier s’est penché et a vu que son constat était exact, qu’il n’avait qu’un seul homme dans le canot, donc il a dit « Il va nous falloir quelques marins de plus ici » et je ne pense pas qu’ils étaient à proximité, ou ils étaient en train de préparer le canot suivant. Cependant, je me tenais près de l’officier ; et j’ai dit « Puis-je offrir mon aide ? Je suis yachtsman, et je peux gérer un canot avec un homme compétent ». Il a dit « Bon sang, oui. Je vais vous envoyer dans le canot plutôt qu’un marin. »
Sénateur SMITH. Pardonnez-moi juste ici. Qui était cet homme alors dans le canot ?
Maj. PEUCHEN. C’était un des quartiers-maîtres. Le capitaine se tenait près de lui à ce moment, et je crois, bien que l’officier ait ordonné que je monte dans le canot, que le capitaine a dit : « Vous feriez-mieux de descendre en dessous et de casser une fenêtre, et de passer par la fenêtre dans le canot. »
Sénateur SMITH. Le capitaine a dit cela ?
Maj. PEUCHEN. Oui. C’était sa suggestion ; et j’ai dit que je ne pensais pas que c’était faisable, et j’ai dit que je pouvais descendre dans le canot si j’arrivais à attraper une corde. Quoi qu’il en soit, nous avons attrapé une corde qui pendait d’un bossoir, près du bloc en tout cas, et en m’y accrochant je me suis balancé hors du navire et suis descendu dans le canot.
Sénateur SMITH. À quelle distance avez-vous dû vous balancer ?
Maj. PEUCHEN. Le danger était de sauter du bateau. Ce n’était pas une fois que j’ai eu une corde tendue ; c’était une descente très facile. Mais j’imagine qu’il était à peu près au niveau du pont C à ce moment. En arrivant dans le canot je suis allé à l’arrière de l’embarcation et j’ai dit au quartier-maître : « Que voulez-vous que je fasse ? » Il m’a dit « Baissez-vous et mettez ce bouchon en place », et j’ai plongé pour attraper le bouchon, et les dames étaient toutes assises plutôt bien vers l’arrière, et je n’ai rien pu voir du tout. Il faisait noir là-dessous. J’ai tâté avec mes mains, et j’ai dit qu’il serait mieux que lui le fasse et que je fasse son travail, et j’ai dit « Plutôt, vous vous baissez et mettez le bouchon, et je vais défaire les attaches », c’est-à-dire retirer les entraves. Donc il a lâché les entraves, et il s’est baissé, et il a foncé pour m’aider, et a dit « Dépêchez-vous ! ». Il a dit : « Ce bateau est sur le pont de couler ». J’ai pensé qu’il parlait de notre canot qui allait couler. J’ai pensé qu’il avait du mal à trouver le bouchon, ou qu’il ne l’avait pas mis correctement. Mais il voulait dire que le gros bateau allait sombrer, et que nous devions nous dépêcher de nous en éloigner. Donc nous avons plongé le gouvernail, et il m’a dit d’aller à l’avant et de prendre un aviron. Je suis allé à l’avant et ai pris un aviron à bâbord dans le canot ; le marin était à ma gauche, à tribord. Mais nous étions juste en face l’un de l’autre pour ramer.
Sénateur SMITH. Qui était le marin ?
Maj. PEUCHEN. C’était l’homme qui a témoigné juste avant moi.
Sénateur SMITH. Mr. Fleet, de la vigie.
Maj. PEUCHEN. De la vigie, oui ; assis à côté de moi à ma gauche. Il nous a dit de ramer le plus vite possible loin de la succion. Juste alors que nous ramions loin de là, ce passager clandestin, un Italien –
Sénateur SMITH. Pardonnez-moi. Est-ce que l’officier a dit de ramer, pour vous éloigner de la succion ?
Maj. PEUCHEN. Le quartier-maître qui était en charge de notre canot nous a dit de ramer aussi fort que possible pour nous éloigner de cette succion, et juste alors que nous avions parcouru une petite distance, ce passager clandestin a fait son apparition. C’était un Italien de naissance, je dirais, qui avait un poignet ou un bras cassé, et il ne nous était d’aucune utilité pour ramer. Il a sorti un aviron, mais il ne pouvait pas faire grand-chose, donc nous lui avons fait rentrer son aviron.
Sénateur SMITH. Où est-il apparu, Major ?
Maj. PEUCHEN. De dessous ; je crois qu’il s’était caché en dessous. J’imagine que s’il y avait de la place pour qu’il se cache sous la proue du canot il était là. J’imagine que c’est de là qu’il venait. Il n’était pas visible quand on regardait le canot. Il n’y avait que deux hommes quand il a été abaissé.
Sénateur SMITH. Le reconnaîtriez-vous si vous le voyiez ?
Maj. PEUCHEN. Non, il faisait sombre. À l’aube je ramais très fort – le matin – et je n’ai pas fait attention. Alors que nous ramions, nous éloignions du Titanic, il y a eu une sorte d’appel d’un officier. Nous avons arrêté de ramer.
Sénateur SMITH. Un sifflet ?
Maj. PEUCHEN. Une sorte de sifflet. Dans tous les cas, le quartier-maître nous a dit d’arrêter de ramer pour que nous puissions l’entendre, et c’était un appel à revenir au navire. Donc nous avons tous pensé que nous devrions revenir vers le navire. C’était un appel. Mais le quartier-maître a dit : « Non, nous ne retournons pas au navire. » Il a dit « C’est nos vies désormais, pas les leurs », et il a insisté pour que nous ramions encore plus loin.
Sénateur SMITH. Qui s’est rebellé contre ça ?
Maj. PEUCHEN. Je crois que la rébellion est venue de certaines des femmes mariées qui quittaient leurs maris.
Sénateur SMITH. Et vous y êtes-vous joint ?
Maj. PEUCHEN. Je n’ai rien dit. Je savais que j’étais totalement impuissant. Il était à la barre. C’était un homme très volubile. Il avait beaucoup juré, et était très désagréable. J’avais eu un accrochage avec lui. Je lui avais demandé de venir ramer, de nous aider à ramer, et de laisser une femme diriger le canot, comme la nuit était parfaitement calme. Cela ne demandait aucune compétence de barrer. Les étoiles étaient là. Il a refusé de le faire, et il m’a dit qu’il était aux commandes de ce canot, et que je devais ramer.
Sénateur SMITH. Est-il resté au gouvernail ?
Maj. PEUCHEN. Il est resté au gouvernail, et si nous voulions revenir alors qu’il avait la possession du gouvernail, je ne pense pas que nous aurions pu. Les femmes étaient entre le quartier-maître et moi et l’autre marin. La nuit était froide et nous continuions à ramer. Puis il a imaginé avoir vu une lumière. J’ai fait beaucoup de yachting dans ma vie, j’ai possédé un yacht pendant six ans et j’ai navigué sur les Lacs, et je ne pouvais pas voir ces feux. J’ai vu un reflet. Il pensait que c’était une sorte de navire. Il pensait que ça pouvait être une sorte de bouée là-bas, et il a appelé le canot le plus proche, qui était à portée de voix, demandant s’il était au courant d’une bouée dans les environs. Cela m’a frappé par sa totale absurdité, et m’a montré que l’homme ne connaissait rien à la navigation, s’attendant à voir une bouée au milieu de l’Atlantique. Malgré tout, il a insisté pour qu’on rame. Nous avons continué à ramer vers cette lumière imaginaire et, après un bon bout de temps, après que nous avons parcouru une longue distance – je m’avance dans mon histoire. Nous avons commencé à entendre des signes de cassure du navire.
Sénateur SMITH. Du Titanic ?
Maj. PEUCHEN. Du Titanic. D’abord, j’ai gardé les yeux sur les lumières, aussi longtemps que possible. Sénateur SMITH. Par votre position dans le canot, étiez-vous en face ?
Maj. PEUCHEN. Je faisais face à ce moment-là. Je ramais dans cette direction [indique], et par la suite j’ai changé pour l’autre direction. Nous avons entendu une sorte d’appel à l’aide après ce sifflet que j’ai décrit il y a quelques minutes. C’était l’officier qui nous rappelait. Nous avons entendu une sorte de grondement et les lumières étaient encore allumées pendant le grondement, si ma mémoire m’est fidèle ; ensuite une sorte d’explosion, puis une autre. Il a semblé y avoir un, deux ou trois grondements, puis les lumières se sont éteintes. Puis les appels glaçants et les pleurs.
Sénateur SMITH. À l’aide ?
Maj. PEUCHEN. Nous ne pouvions exactement distinguer des appels à l’aide ; des lamentations et des pleurs ; effroyables. Cela a affecté toutes les femmes dans notre canot dont les maris étaient parmi ces gens ; et ça a duré un moment, devenant progressivement plus faible, plus faible. Au départ c’était horrible à écouter.
Sénateur SMITH. À quelle distance était-ce ?
Maj. PEUCHEN. Je pense que nous étions à cinq-huitièmes de mile, j’imagine, quand ça s’est produit. C’était très difficile de deviner la distance. Il y avait seulement deux d’entre nous pour ramer dans un canot très lourd avec pas mal de gens dedans, et je ne pense pas que nous avons parcouru beaucoup de distance.
Sénateur SMITH. Pendant que ces cris de détresse se poursuivaient, est-ce que quelqu’un dans le canot a pressé le quartier-maître de faire demi-tour ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; certaines femmes l’ont fait. Mais, comme je l’ai dit avant, j’avais eu un accrochage avec lui, et j’ai dit aux femmes : « Cela ne sert à rien de débattre avec cet homme, du tout. Il vaut mieux ne rien discuter avec lui. » Il disait qu’il ne servait à rien de faire demi-tour, qu’il n’y avait qu’un tas de macchabées là-bas, ce qui était très désagréable, et les femmes l’ont très mal vécu. Je ne pense pas qu’il était qualifié pour être quartier-maître.
Sénateur SMITH. Dans les faits, vous n’êtes pas retournés au bateau ?
Maj. PEUCHEN. Nous ne sommes pas retournés au bateau.
Sénateur SMITH. Après avoir quitté son flanc ?
Maj. PEUCHEN. Non.
Sénateur SMITH. Et quand le bateau a coulé, vous regardiez dans sa direction ?
Maj. PEUCHEN. Je regardais vers le bateau ; oui.
Sénateur SMITH. L’avez-vous vu ?
Maj. PEUCHEN. Je l’ai vu quand les lumières se sont éteintes. On ne pouvait plus distinguer grand-chose une fois que les lumières se sont éteintes.
Sénateur SMITH. Vous n’étiez pas assez près pour reconnaître quiconque à bord ?
Maj. PEUCHEN. Oh, non.
Sénateur SMITH. Pouviez-vous voir les silhouettes des gens sur le pont ?
Maj. PEUCHEN. Non ; on ne pouvait pas. Je pouvais juste voir la silhouette du bateau, si on peut dire.
Sénateur SMITH. Savez-vous comment il a coulé ?
Maj. PEUCHEN. Tant que les lumières étaient allumées, j’ai vu sa proue pointer vers le fond et la poupe se lever ; pas dans un angle perpendiculaire, mais considérable.
Sénateur SMITH. Environ quel angle ?
Maj. PEUCHEN. Je dirais un angle ne dépassant pas 45°.
Sénateur SMITH. De ce que vous avez vu, pensez-vous que le navire était intact, ou s’est-il cassé en deux ?
Maj. PEUCHEN. Il était intact à ce moment. Je me sens certain qu’une explosion s’est produite dans le navire, car en passant sur les lieux du naufrage le matin suivant – nous avons navigué dedans – je me suis mis à penser à ceci, qui pourrait être utile à cette enquête – je me tenais à l’avant, cherchant à voir si je pouvais voir des cadavres, ou l’un de mes amis, et à ma surprise j’ai vu l’enseigne du barbier en train de flotter. L’enseigne du barbier était sur le pont C, dans mes souvenirs – la boutique du barbier – et il a dû y avoir une terrible explosion pour permettre à cette enseigne de se séparer de son ancrage et de dériver avec le bois.
Sénateur SMITH. Avez-vous entendu les explosions ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur ; j’ai entendu les explosions.
Sénateur SMITH. À quel point étaient-elles fortes ?
Maj. PEUCHEN. Oh, une sorte de grondement. Ce n’était pas un son brusque – plutôt un son grondant, mais tout de même brusque en même temps. Ce n’était pas aussi fort qu’un coup de tonnerre, ou quelque chose de ce genre, ou comme l’explosion d’une chaudière, je ne pense pas.
Sénateur SMITH. Est-ce que ces explosions venaient de façon évidente de sous l’eau ?
Maj. PEUCHEN. Je dirais qu’elles venaient d’au-dessus. J’ai imaginé que les ponts avaient éclaté sous la pression, la plongée du navire, proue en premier, ce poids lourd, et l’air entre les ponts ; c’est ma théorie de l’explosion. Je ne sais pas si c’est correct ou non, mais je ne pense pas que c’était les chaudières. Je pense que c’était la pression, ce poids lourd qui l’entraînait vers le fond, l’eau qui montait à toute vitesse, et l’air s’échappant entre les ponts ; quelque chose devait survenir.
Sénateur SMITH. Combien d’explosions avez-vous entendues ?
Maj. PEUCHEN. Je ne suis pas absolument certain de cela, car il y avait beaucoup d’agitation à ce moment-là, mais j’imagine qu’il y en a eu trois, l’une suivant l’autre très rapidement.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu le capitaine après qu’il vous a dit de descendre et de passer par une fenêtre dans le canot ?
Maj. PEUCHEN. Non ; je ne l’ai jamais vu après ça.
Sénateur SMITH. De ce que vous avez-vu du capitaine, était-il alerte et vigilant ?
Maj. PEUCHEN. Il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour faire monter les femmes dans ces canots, et pour veiller à ce qu’ils soient convenablement descendus. J’ai jugé qu’il accomplissait son devoir en ce qui concerne la mise à l’eau des canots, monsieur.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu l’officier de quart cette nuit ?
Maj. PEUCHEN. De qui parlez-vous ? Je ne sais pas vraiment ce que vous voulez dire ?
Sénateur SMITH. Qui était l’officier avec vous de votre côté du navire ?
Maj. PEUCHEN. Le deuxième officier.
Sénateur SMITH. Mr. Lightoller ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Aviez-vous vu le capitaine avant cette nuit ?
Maj. PEUCHEN. Je l’ai croisé dans une coursive quelque part, vers l’heure du dîner.
Sénateur SMITH. Quelle heure ?
Maj. PEUCHEN. Je ne peux être très précis sur l’heure ; vers 19 heures, j’imagine. Je sors généralement m’habiller vers 19 heures.
Sénateur SMITH. À quelle heure avez-vous dîné cette nuit-là ?
Maj. PEUCHEN. J’ai dîné un peu après 19 heures ; je pense que c’était un quart d’heure après.
Sénateur SMITH. Dans la salle à manger principale ?
Maj. PEUCHEN. Dans la salle à manger principale ; oui.
Sénateur SMITH. Est-ce que le capitaine a dîné dans cette pièce ?
Maj. PEUCHEN. Je ne crois pas. Je crois qu’il a dîné dans l’autre – dans le restaurant.
Sénateur SMITH. Mais vous ne l’avez pas vu ?
Maj. PEUCHEN. Je ne l’ai pas vu dîner.
Sénateur SMITH. Je voudrais que vous disiez si oui ou non ces canots étaient équipés de nourriture, d’eau et de lampes.
Maj. PEUCHEN. Pour autant que je puisse dire, notre canot était équipé de tout dans ce domaine. J’ai entendu des discussions sur le fait qu’il n’y avait pas de nourriture adaptée dans certains canots, et quand j’étais sur le Carpathia j’ai pris sur moi de descendre en examiner un ou deux, et j’ai trouvé des biscuits de mer dans cette boîte scellée.
Sénateur SMITH. Dans les deux ?
Maj. PEUCHEN. Dans le canot. Je n’ai pas fait le tour de la flotte.
Sénateur SMITH. Vous dites que vous en avez examiné un ou deux ?
Maj. PEUCHEN. Un ou deux.
Sénateur SMITH. Avez-vous trouvé des provisions et de l’eau dans les deux ?
Maj. PEUCHEN. Je n’ai pas examiné les tonnelets, mais les marins m’ont assuré qu’il y avait de l’eau dedans.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu des lampes dedans ?
Maj. PEUCHEN. Nous avions des lampes dans notre canot, mais certains des autres canots n’en avaient pas. Je sais qu’il y avait un canot près du notre qui n’avait pas de lampe. Que ce soit parce qu’ils n’ont pas été capables d’allumer leurs lampes, je ne le sais pas.
Sénateur SMITH. Vous dites qu’il y avait 36 ou 37 personnes dans votre canot ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Dans le premier canot qui a été descendu ?
Maj. PEUCHEN. Non ; j’ai dit que je pensais environ 26 ou 27.
Sénateur SMITH. Dans le premier ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; je le crois.
Sénateur SMITH. Et 23 dans le second canot avant que vous montiez ?
Maj. PEUCHEN. En comprenant le passager clandestin cela ferait 23. J’étais le vingt-quatrième.
Sénateur SMITH. Vingt femmes ?
Maj. PEUCHEN. Vingt femmes, oui ; le quartier-maître, un marin, le passager clandestin, et ensuite quand je suis monté ça faisait 24.
Sénateur SMITH. Des enfants ?
Maj. PEUCHEN. Non ; je ne crois pas qu’il y avait des enfants. Plus tard nous nous sommes attachés à un autre canot, vers la matinée, pendant un très court moment – je pense pendant environ 15 minutes.
Sénateur SMITH. Quel canot était-ce ?
Maj. PEUCHEN. Je ne sais pas. Notre quartier-maître ne connaissait pas le numéro de notre canot. Je ne connais pas l’autre. Je sais qu’ils ont appelé et demandé le numéro de notre canot et notre quartier-maître ne le connaissait pas.
Sénateur SMITH. Avez-vous entendu le témoignage donné ce matin par le troisième officier ?
Maj. PEUCHEN. J’en ai entendu une partie, monsieur. J’étais dehors dans le hall pendant qu’il en donnait une partie.
Sénateur SMITH. L’avez-vous entendu dire qu’un canot avait été attaché au sien pendant un moment ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; mais alors, laissez-moi voir ; n’a-t-il pas dit qu’il avait fait sortir des personnes de ce canot ?
Sénateur SMITH. J’y venais.
Maj. PEUCHEN. Non ; ce n’était pas notre canot.
Sénateur SMITH. Il a dit qu’il avait fait sortir trois personnes de son canot.
Maj. PEUCHEN. Et les a mises dans celui qui était attaché.
Sénateur FLETCHER. Du côté tribord du n°7.
Sénateur SMITH. Cela n’a pas été fait dans votre canot ?
Maj. PEUCHEN. Non. La seule chose qui s’est produite avec le canot avec lequel nous étions attachés a été que nous avons demandé combien d’hommes ils avaient dans leur canot, et ce quartier-maître a dit qu’il avait environ sept marins, ou quelque chose comme ça – six ou sept. Puis nous avons dit « Sûrement que vous pouvez nous passer un homme, si vous en avez tant » et nous avons eu un chauffeur.
Sénateur SMITH. Vous avez eu un chauffeur ?
Maj. PEUCHEN. Un homme de plus de ce canot.
Sénateur SMITH. Ils vous ont transféré un homme de plus ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; un homme de plus.
Sénateur SMITH. Qu’a-t-il fait ?
Maj. PEUCHEN. Il a aidé à ramer du côté tribord du canot, et j’ai ramé du côté bâbord.
Sénateur SMITH. Est-ce qu’une des femmes a aidé avec les avirons ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; elles l’ont fait, très courageusement, aussi. Nous avons pris les avirons. Avant que ça se produise nous avons eu une paire de femmes ramant à l’arrière, à tribord de notre canot, et j’ai eu deux femmes pour assister de notre côté ; mais bien entendu la femme avec moi s’est sentie mal à cause de ce dur travail, et elle a dû abandonner. Mais je crois que les autres ont continué à ramer très vaillamment pendant un temps considérable.
Sénateur SMITH. Savez-vous qui étaient ces femmes aux avirons ?
Maj. PEUCHEN. Je connais l’une d’elles.
Sénateur SMITH. Donnez le nom.
Maj. PEUCHEN. Si vous voulez bien m’excuser, je vais devoir le chercher. [Consultant le mémorandum.] Miss M. E. A. Norton, Apsley Villa, Horn Lane, Acton, Londres.
Sénateur SMITH. Est-ce la seule femme qui a tenu les avirons dont vous connaissez le nom ?
Maj. PEUCHEN. Non ; je crois qu’il y en a une autre.
Sénateur SMITH. Les deux autres femmes qui ont tenu les avirons, vous ne les connaissez pas ?
Maj. PEUCHEN. Je ne connais pas leurs noms.
Sénateur SMITH. Connaissez-vous d’autres passagers de votre canot ?
Maj. PEUCHEN. Il y en a plusieurs qui ont inscrit leurs noms au dos de cette carte [indique].
Sénateur SMITH. Pouvez-vous les lire ?
Maj. PEUCHEN. Mrs. Walter Clark, 2155 West Adams Street, Los Angeles, Cal. ; Miss E. Bowerman, Thorncliff, St. Leonards-on-Sea, Angleterre ; Mrs. Lucien P. Smith, Huntington, W. Va. ; Mrs. Martin Rothschild, 753 West End Avenue, New York ; Mrs. Tyrell Cavendish, Driftwood, Monmouth ; Mrs. Edgar J. Mayer, 158 West Eighty-sixth Street, New York ; Mrs. Walter Douglas, Deepshaven, Mass. ; Mrs. G. G. Brown, Denver.
Sénateur SMITH. Major, est-ce qu’à un moment entre quand vous avez quitté le flanc du Titanic et celui où vous avez atteint le Carpathia, Mrs. Douglas a tenu la barre ?
Maj. PEUCHEN. Dans notre canot ?
Sénateur SMITH. Oui.
Maj. PEUCHEN. Je crois que le quartier-maître était à la barre tout du long, à l’exception probable de deux minutes. Je sais qu’il a demandé du brandy à une des dames, et qu’il a aussi demandé l’une de ses couvertures, qu’il a eue.
Sénateur SMITH. L’officier a fait ça ?
Maj. PEUCHEN. Le quartier-maître, pas l’officier.
Sénateur SMITH. Connaissez-vous Mrs. Douglas ?
Maj. PEUCHEN. Mrs. Walter Douglas ?
Sénateur SMITH. Oui.
Maj. PEUCHEN. Oui.
Sénateur SMITH. Est-ce que son mari a péri ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Sur quel pont étiez-vous quand vous avez eu cette conversation avec Mr. Charles M. Hays ?
Maj. PEUCHEN. J’étais sur le pont C, sur le pont qui est celui au-dessus de la salle à manger. Je suis sorti et l’ai emmené au pont A.
Sénateur SMITH. Vous dites que quand l’impact s’est produit, le navire a frémi ?
Maj. PEUCHEN. Quand l’impact s’est produit, pour le décrire je dirais que c’était comme si une vague l’avait frappé, une très puissante vague.
Sénateur SMITH. Combien de temps après ça le navire a-t-il commencé à gîter ?
Maj. PEUCHEN. Je dirais 25 minutes après.
Sénateur SMITH. Pour autant que vous ayez-pu l’observer, les passagers portaient-ils des gilets de sauvetage ?
Maj. PEUCHEN. Oui.
Sénateur SMITH. Avant que vous quittiez le navire, donc vous pouvez dire de votre propre expérience qu’ils les portaient ?
Maj. PEUCHEN. Je dis que s’ils ne les avaient pas sur eux, je pense qu’ils auraient pu les avoir sans problème. Je n’ai rien entendu sur un manque de gilets de sauvetage, ou aucune plainte, plutôt.
Sénateur SMITH. Aviez-vous une lampe sur votre canot ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; nous en avions.
Sénateur SMITH. Quelle était sa couleur ?
Maj. PEUCHEN. Juste une lumière blanche ordinaire.
Sénateur SMITH. Pas une lumière verte ?
Maj. PEUCHEN. Non.
Sénateur SMITH. Mais une lumière blanche ?
Maj. PEUCHEN. Oui.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu d’autres lumières sur des canots ?
Maj. PEUCHEN. Oui. On pouvait voir ces différents canots qui avaient des lumières. Il y en avait partout. Ils ne restaient pas du tout groupés. Certains allaient à l’est, à l’ouest, au nord, et au sud, il m’a semblé, mais il y avait un canot qui avait une sorte de lampe électrique, et un qui avait une sorte de lumière bleuâtre, que nous avons d’abord prise pour un vapeur ou quelque chose du genre.
Sénateur SMITH. Je crois que vous avez dit que vous aviez une expérience considérable comme marin ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Pouvez-vous dire si le Titanic gîtait à tribord ou à bâbord ?
Maj. PEUCHEN. Il gîtait à tribord ; le côté où il a été heurté.
Sénateur SMITH. Est-ce qu’il a coulé par la proue ou par l’avant ?
Maj. PEUCHEN. À la fin, vous voulez dire ?
Sénateur SMITH. Oui.
Maj. PEUCHEN. Il plongeait par la proue. Vous parlez de l’avant quand vous dites proue, n’est-ce pas ?
Sénateur SMITH. Exactement.
Maj. PEUCHEN. C’est la même chose.
Sénateur SMITH. Non ; pas exactement la même chose. Où était cet impact sur la proue du navire ?
Maj. PEUCHEN. C’était à 40 pieds en arrière de la proue, je dirais, à tribord – environ 40 ou 50 pieds, j’imaginerais, de là où la glace a commencé à tomber de l’iceberg.
Sénateur SMITH. Vous dites que vous avez vu de la glace sur le pont ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Savez-vous si quelqu’un a été blessé par la glace sur le pont ?
Maj. PEUCHEN. Non ; mais je connais un grand nombre de passagers qui ont été effrayés par cet iceberg passant devant leurs hublots. Le navire a longé l’iceberg, et beaucoup parmi eux m’ont dit après-coup qu’ils ne pouvaient pas comprendre ce qu’était cette chose qui passait à côté d’eux – ceux qui étaient réveillés à ce moment-là. En fait, il a laissé de la glace sur certains hublots, à ce qu’ils m’ont dit.
Sénateur SMITH. Savez-vous par votre propre connaissance si une alarme a retenti pour réveiller les passagers dans leurs cabines après l’impact ?
Maj. PEUCHEN. Il n’y a pas eu d’alarme d’aucune sorte qui ait retenti. En fait, j’ai parlé avec deux jeunes femmes qui disaient qu’elles s’en étaient tirées de très peu. Elles disaient que leur cabine était tout près de celle des Astor, je pense juste à côté d’elle, et qu’elles n’ont pas été réveillées.
Sénateur SMITH. Elles n’ont pas été réveillées ?
Maj. PEUCHEN. Elles dormaient pendant la collision, et elles ont été réveillées par Mrs. Astor. Elle était plutôt excitée et leur porte étant ouverte – et je pense que la porte des Astor était ouverte – elles pensent que c’est comme ça qu’elles ont été sauvées.
Sénateur SMITH. Sur quel pont étaient-elles ?
Maj. PEUCHEN. Je ne sais pas, monsieur. C’est seulement la conversation que nous avons eue sur le Carpathia.
Sénateur SMITH. Je pense que vous avez dit que de votre propre jugement et de vos propres observations aucune alerte générale n’a été donnée ?
Maj. PEUCHEN. Non, je n’en ai pas entendu. Je parcourais le navire tout ce temps.
Sénateur SMITH. Après avoir embarqué sur le Carpathia, avez-vous appris la latitude et la longitude à laquelle les canots ont été récupérés ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur ; pas du tout. Tout ce que je sais, c’est que quand je me suis renseigné sur le port le plus proche, on m’a dit que nous étions à 36 heures de route d’Halifax.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu ces canots du côté bâbord du navire ? Étiez-vous du côté bâbord ?
Maj. PEUCHEN. J’étais à bâbord.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu ceux de tribord ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur. Nous avons entendu après-coup que les officiers à tribord étaient plus généreux en ce qui concerne l’embarquement des hommes qu’à bâbord. C’est ce que j’ai entendu après-coup ; que certains des officiers du côté tribord avaient permis à des hommes de monter dans les canots.
Sénateur SMITH. Vous étiez du même côté que Mr. Lightoller ?
Maj. PEUCHEN. C’était le côté bâbord ; oui.
Sénateur SMITH. Le deuxième officier ?
Maj. PEUCHEN. Oui.
Sénateur SMITH. Et de ce côté ils n’ont pas permis à plus de deux hommes de monter dans le premier canot ?
Maj. PEUCHEN. Je crois qu’il y avait quatre marins dans le premier canot, monsieur.
Sénateur SMITH. Pas plus de quatre ?
Maj. PEUCHEN. Je ne serais pas catégorique à ce sujet, monsieur. Ils ne permettaient pas aux passagers masculins de monter ; c’est ce que je veux dire.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu un canot être coincé dans le dispositif de levage ou le matériel ?
Maj. PEUCHEN. Non ; les canots que j’ai vus abaisser l’ont été très proprement, vraiment, en très peu de temps.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu mettre à l’eau un des canots pliants ?
Maj. PEUCHEN. Non ; je pense que notre canot est parti avant qu’ils commencent à sortir.
Sénateur SMITH. Est-ce que ces canots ont été pris à bord du Carpathia ?
Maj. PEUCHEN. Je pense que deux ou trois canots ont été laissés à la dérive. Un je pense, avait des cadavres à l’intérieur. J’en ai vu deux, au moins, à la dérive. Je crains qu’ils ne pouvaient en prendre plus.
Sénateur SMITH. Vous en avez-vu deux ou trois dériver ?
Maj. PEUCHEN. J’entends, après qu’ils les ont laissés partir.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu des cadavres dans ces canots à la dérive ?
Maj. PEUCHEN. Non ; j’ai vu des cadavres dans un des canots qui sont venus, étendus à la proue. Je ne sais pas s’il a été laissé à la dérive ou non. On m’a dit qu’un canot contenait trois cadavres.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu Mr. Ismay cette nuit-là ?
Maj. PEUCHEN. Je l’ai vu – quelle nuit ?
Sénateur SMITH. La nuit de dimanche ?
Maj. PEUCHEN. Je crois que je l’ai vu se tenir un moment sans son chapeau ; juste un moment, à bâbord.
Sénateur SMITH. Sur le pont des embarcations ?
Maj. PEUCHEN. Sur le pont des embarcations ; oui.
Sénateur SMITH. Quelle heure ?
Maj. PEUCHEN. Je dirais que c’était probablement une heure après que nous avons heurté l’iceberg.
Sénateur SMITH. Une heure après que vous avez heurté l’iceberg ?
Maj. PEUCHEN. Je n’en serais pas certain. Je pense que c’était Mr. Ismay. Je pense que je l’ai vu debout pendant un moment.
Sénateur SMITH. Que faisait-il ; quoi que ce soit ?
Maj. PEUCHEN. Pas à ce moment.
Sénateur SMITH. Vous ne l’avez pas vu après ça ?
Maj. PEUCHEN. Je ne l’ai pas vu après ça à part au moment de monter à bord du Carpathia.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu à nouveau Mr. Hays après qu’il a évoqué avec vous les icebergs ?
Maj. PEUCHEN. Oui je l’ai revu sur le pont supérieur juste avant que je commence à aider pour les canots. Il a dit : « Peuchen, ce navire est bon pour tenir encore huit heures. »
Sénateur SMITH. C’est la dernière fois que vous l’avez vu ?
Maj. PEUCHEN. Oui. Je lui ai serré la main et il a dit « Ce navire est bon pour tenir encore huit heures. Je viens juste d’entendre ça d’un des meilleurs vieux marins, Mr. Crossley » – je crois qu’il a mentionné son nom « de Milwaukee », et quelqu’un d’autre ; et il a ajouté : « Avant cela, nous aurons des secours. »
Sénateur SMITH. Saviez-vous que le Titanic était proche de glaces dimanche ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur. Tout ce que je sais est qu’il y a eu un gros changement de température entre l’après-midi et le moment où je suis monté sur le pont plus tard ce soir-là.
Sénateur SMITH. Cela indiquait-il quelque chose d’inhabituel à vos yeux ?
Maj. PEUCHEN. Je n’avais eu d’expérience avec les icebergs qu’une seule fois, et il faisait froid, et un changement de météo similaire avait eu lieu.
Sénateur SMITH. Aviez-vous déjà été dans les environs des Grands Bancs auparavant ?
Maj. PEUCHEN. Non ; c’était dans le Golfe du Saint-Laurent, juste alors que nous approchions du Golfe du Saint-Laurent.
Sénateur BURTON. Ce changement de température ne signifierait pas nécessairement qu’il y avait de la glace dans le voisinage immédiat ; cela pourrait juste se produire de la même façon que le temps change du matin au soir, ou du soir au matin ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur ; il y avait un net changement de température.
Sénateur SMITH. Qui était le quartier-maître ? Quel était son nom ?
Maj. PEUCHEN. Son nom était –
Sénateur SMITH. Qui était le quartier-maître dans votre canot, j’entends ?
Maj. PEUCHEN. Je ne sais pas exactement comment prononcer son nom, mais il s’écrit H-i-c-h-e-n. C’était l’homme qui tenait la barre le dimanche soir.
Sénateur SMITH. Avez-vous ses initiales ?
Maj. PEUCHEN. Non. C’était le quartier-maître Hichen. Je pense que vous le trouverez probablement ; c’était l’homme qui était à la barre, et il appelait les autres canots en cherchant à savoir quel officier était en charge à ce moment-là. Il ne semblait pas savoir quel officier, au moment du signalement de l’iceberg, était de quart.
Sénateur FLETCHER. Quel a été le mouvement du navire après la collision avec l’iceberg ?
Maj. PEUCHEN. Après la collision il m’a semblé, pas immédiatement mais après un court instant, qu’on entendait que nous faisions marche arrière.
Sénateur FLETCHER. Quel effet cela a-t-il eu sur la progression du navire, si vous l’avez relevé ?
Maj. PEUCHEN. Il avançait toujours, même s’ils ont inversé les machines pendant un moment.
Sénateur FLETCHER. Avez-vous observé combien de temps il a continué à avancer ?
Maj. PEUCHEN. Non ; pas du tout.
Sénateur FLETCHER. Avez-vous une idée de quel distance il a parcouru au-delà de l’iceberg, après l’avoir heurté, avant de s’arrêter ?
Maj. PEUCHEN. Non. J’étais trop occupé à me changer et avec mes amis, et je n’y ai pas du tout fait attention.
Sénateur FLETCHER. Avez-vous une idée d’à quelle distance vous étiez de l’iceberg quand vous avez embarqué dans le canot ?
Maj. PEUCHEN. Nous avons embarqué dans le canot – j’imagine que j’étais dans le canot une heure après la collision. Nous avions avancé à une bonne vitesse, puis nous avons dû faire machine arrière. J’imagine que nous devions être à 3 miles de lui, je pense – au moins 2,5 miles, probablement.
Sénateur FLETCHER. Après que vous avez embarqué dans ce canot vous avez ramé dans la direction où allait le navire, vers l’ouest ?
Maj. PEUCHEN. Non ; nous sommes partis du côté bâbord droit devant le milieu du navire, à bâbord, directement vers le nord, je crois que c’était, car les aurores boréales apparaissaient là où était cette lumière que nous regardions, sont apparues peu après.
Sénateur FLETCHER. Quand avez-vous vu pour la première fois un iceberg ?
Maj. PEUCHEN. Il y a un an –
Sénateur FLETCHER. (interrompant). Non, ce n’est pas ce que je voulais dire ; je parlais de cette occasion. Vous n’avez pas vu l’iceberg que le navire a heurté, si j’ai bien compris.
Maj. PEUCHEN. Non ; je ne l’ai pas vu.
Sénateur FLETCHER. Quand avez-vous vu pour la première fois un iceberg cette fois-ci ?
Maj. PEUCHEN. Juste après le lever du soleil, ou juste un peu avant le lever du soleil.
Sénateur FLETCHER. Pouvez-vous nous donner une idée d’à quelle distance vous étiez probablement au moment où le Titanic a coulé ?
Maj. PEUCHEN. J’imagine que nous étions probablement à deux miles, et nous avons continué à ramer vers cette lumière imaginaire pendant un bon moment.
Sénateur FLETCHER. À quelle distance de vous était cet iceberg, et dans quelle direction ?
Maj. PEUCHEN. Il y avait plusieurs icebergs. Il y avait au moins trois icebergs qu’on pouvait voir clairement. Il y en avait un vers l’avant, dans la direction où allait notre canot, et un à l’ouest. Je dirais qu’il y en avait un au nord et un au sud. On aurait dit qu’on était dans un nid d’icebergs, avec quelques plus petits, bien entendu.
Sénateur FLETCHER. Environ combien, en tout, dont vous vous souvenez ?
Maj. PEUCHEN. Je pense qu’on pouvait en voir – au moins en compter, je pense – cinq.
Sénateur FLETCHER. Quelles étaient approximativement leurs tailles ?
Maj. PEUCHEN. Deux étaient gros ; un autre était quelque peu plus petit en taille. Certains étaient dentelés, mais très hauts, et un certain nombre d’entre eux pas si hauts.
Sénateur FLETCHER. À quelle hauteur au-dessus de l’eau s’élevaient ces gros, et quelle longueur et largeur, si vous pouvez nous donner une idée ?
Maj. PEUCHEN. Ils mesuraient 100 pieds de haut, deux d’entre eux, et une largeur de, je dirais, 300 pieds et 400 pieds de long ; un peu comme une île.
Sénateur FLETCHER. Major, voulez-vous que nous comprenions de vos propos qu’au moment où le canot n°4 et le canot n°6 ont été chargés et descendus du côté bâbord du navire toutes les femmes à portée ont eu une opportunité ?
Maj. PEUCHEN. Toute femme à bâbord s’est vue offrir une opportunité. En fait, nous n’avions pas assez de femmes à mettre dans les canots. Nous en cherchions. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi nous n’avons pas embarqué certains hommes. Les canots auraient pu en transporter plus.
Sénateur FLETCHER. S’il y avait eu plus de femmes à cet endroit elles auraient trouvé de la place dans ces canots ?
Maj. PEUCHEN. Plein de place.
Sénateur FLETCHER. Voulez-vous dire, également, que pour autant que vous sachiez, et ayez entendu et observé, aucune alerte n’a été donnée dans le navire pour réveiller les passagers, et les prévenir du danger ?
Maj. PEUCHEN. Je n’ai entendu aucune alarme d’aucune sorte.
Sénateur FLETCHER. Savez-vous par quelle méthode on donne l’alerte dans une urgence de ce genre ?
Maj. PEUCHEN. Je n’avais jamais connu d’accident en mer avant.
Sénateur FLETCHER. Major, pouvez-vous nous donner une idée de pourquoi, si les passagers étaient équipés de gilets de sauvetage, et si ceux-ci étaient en bonne condition, ces passagers n’auraient pas pu flotter et survivre pour quatre, ou cinq, ou six heures ensuite ?
Maj. PEUCHEN. C’est quelque chose qui m’a beaucoup étonné. J’ai été surpris, quand nous avons navigué très lentement au milieu des débris après avoir quitté le lieu du drame – nous avons quitté les lieux dès que cet autre navire, le Californian, si j’ai bien compris, est arrivé – que nous n’ayons pas du tout vu de corps dans l’eau. J’ai cru comprendre que le Californian allait patrouiller aux alentours, et quand il est arrivé nous sommes partis, et sommes passés droit au milieu des débris. C’était un peu comme deux îles, tout éparpillé, et j’avais envie de voir si je pouvais voir des corps, et je me suis surpris à penser qu’avec toutes ces morts qui venaient de survenir je ne pouvais pas voir un cadavre ; j’étais vraiment très surpris. J’ai cru comprendre qu’un gilet de sauvetage est censé garder à flot une personne, morte ou vivante.
Sénateur FLETCHER. Vous pensez que le Carpathia est passé dans le voisinage immédiat de là où le Titanic a sombré ?
Maj. PEUCHEN. Non, je ne dirais pas le voisinage immédiat, car il y a eu une brise qui s’est levée à l’aube, et les débris ont naturellement dû flotter et s’éloigner de là où il a coulé, d’une certaine manière. Il se peut qu’ils aient dérivé, probablement d’un mile ou demi-mile ; probablement pas plus de ça, considérant que le vent ne s’est levé qu’à l’aube.
Sénateur FLETCHER. Avez-vous une idée du sens vers lequel la dérive aurait tendu, au vu de la brise ou d’autres conditions là-bas ?
Maj. PEUCHEN. Dans quel sens le vent soufflait, vous voulez dire ?
Sénateur FLETCHER. Oui.
Maj. PEUCHEN. Le vent soufflait, je crois, depuis le nord à ce moment.
Sénateur FLETCHER. Vous avez entendu des gens appeler à l’aide quand vous étiez, vous dites, à environ cinq huitièmes de mile de là, quand le Titanic a coulé ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur.
Sénateur FLETCHER. Et immédiatement vous avez entendu ces pleurs puis ensuite vous les avez entendus s’éteindre progressivement ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur.
Sénateur FLETCHER. Est-ce votre opinion que l’eau était si froide qu’une personne n’aurait pas pu y survivre à part pour un court laps de temps ?
Maj. PEUCHEN. Je pense être tout à fait certain qu’une personne n’aurait pas pu survivre très longtemps dans cette eau. Ceux qui avaient été dans l’eau avaient les pieds gelés ; j’entends, ceux qui se tenaient debout dans un canot dans l’eau. Il se trouve que j’ai partagé ma cabine avec trois d’entre eux qui ont été sauvés, et ils disaient qu’ils se sont maintenus en vie en se cognant les uns les autres durant les deux ou trois heures où ils sont restés debout. Dans la minute où l’un d’entre eux se fatiguait et s’asseyait dans l’eau, ou du moins très peu après, il dérivait en flottant hors du radeau, mort, il me semble.
Sénateur FLETCHER. Quelle était la température de l’eau, si vous le savez ?
Maj. PEUCHEN. Je ne sais pas, monsieur.
Sénateur FLETCHER. Vous dites que les gens étaient gelés ?
Maj. PEUCHEN. Leurs pieds étaient gelés ; oui, monsieur.
Sénateur FLETCHER. Était-ce par exposition au froid, après avoir été tirés de l’eau sur le canot ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur. Un certain nombre d’entre eux ont nagé, je connais trois cas, au moins, où ils ont sauté du gros bateau et nagé et sont montés sur un radeau qui était partiellement englouti dans l’eau, et sont restés debout dans le radeau, et ce sont eux dont les pieds étaient méchamment enflés ou gelés.
Sénateur FLETCHER. Vous déduisez de cela que l’eau était très froide ?
Maj. PEUCHEN. Je suis sûr qu’elle l’était.
Sénateur FLETCHER. Était-elle en dessous de la température de gel ?
Maj. PEUCHEN. Elle devait être très proche de la température de gel, en tout cas. Elle n’était probablement pas tout à fait gelée ; mais comme c’était de l’eau salée, bien entendu, elle ne gèlerait pas très facilement.
Sénateur FLETCHER. Y avait-il de la glace dérivante, à part ces icebergs ?
Maj. PEUCHEN. Oh, oui ; quand nous avons commencé à naviguer nous sommes passés à côté de beaucoup de glaces dérivantes, je pense plusieurs miles de long.
Sénateur FLETCHER. Vous voulez dire que le Carpathia a navigué à travers la glace ?
Maj. PEUCHEN. Oui.
Sénateur FLETCHER. Avez-vous été en contact avec des glaces dérivantes quand vous étiez dans le canot ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur ; pas du tout.
Sénateur FLETCHER. Avez-vous une idée de combien de temps une personne pourrait survivre dans une eau comme celle-ci ?
Maj. PEUCHEN. Cela dépend de sa condition, mais j’imagine que si une personne pouvait survivre dans l’eau une demi-heure elle s’en tirerait très bien.
Sénateur FLETCHER. Est-ce que faire l’effort de nager, et l’exercice, pourraient éviter à quelqu’un de s’engourdir pendant quelques heures ?
Maj. PEUCHEN. Jusqu’à un certain niveau ; oui. Mais je ne pense pas qu’un homme pourrait vivre une heure dans cette eau.
Sénateur FLETCHER. Avez-vous observé dans les débris des morceaux de gilets de sauvetage, de liège, des choses de ce genre ?
Maj. PEUCHEN. Il y avait une très grande quantité de liège flottant. Je suis incapable de comprendre d’où elle venait. Il y avait beaucoup de chaises dans l’eau ; toutes les chaises longues flottaient, et des morceaux d’épave ; mais il y avait une quantité particulièrement importante de liège.
Sénateur FLETCHER. Quelle était l’apparence de ce liège ? Avait-il l’air de venir de gilets de sauvetage ?
Maj. PEUCHEN. Je n’étais pas assez près pour le dire. Je ne voudrais pas donner un avis catégorique, mais ça ressemblait à du liège pour moi.
Sénateur FLETCHER. Vous avez dit, je crois, qu’il semblait manquer de marins compétents pour se charger des canots ?
Maj. PEUCHEN. Je ne voudrais pas dire cela, monsieur. J’ai dit qu’ils n’étaient pas à leurs postes, prêts à mener les canots. J’imagine que cet équipage était ce que nous appellerions en termes de plaisance un équipage composite, venant de différents navires. Ils étaient peut-être les meilleurs, mais ils n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble.
Sénateur FLETCHER. Avez-vous vu d’autres canots être remplis – j’entends, chargés – et descendus ?
Maj. PEUCHEN. Ce sont les deux seuls que j’ai vus remplis et descendus.
Sénateur FLETCHER. Avez-vous vu les canots quand le Carpathia les a atteints ? Est-ce que ces canots venaient vers le Carpathia ou est-ce que le Carpathia circulait et récupérait les canots ?
Maj. PEUCHEN. Je ne sais pas s’il a jeté l’ancre ; je pense qu’il l’a probablement fait. Cependant, il était sous le vent de tous les canots. C’est-à-dire, nous étions tous venus ; nous étions à portée du Carpathia, et donc il est resté là jusqu’à ce que nous venions tous à son côté.
Sénateur FLETCHER. Avez-vous observé de quelle manière ces canots ont atteint le Carpathia ? Quelle était la position de votre canot, par exemple, parmi les premiers ou les derniers ?
Maj. PEUCHEN. Je crois qu’il y en a eu environ deux ou trois après nous. Nous étions presque les derniers. Nous étions presque les derniers, à l’exception de deux ou trois.
Sénateur FLETCHER. Avez-vous observé l’état de ces canots, s’ils étaient tous chargés à leur pleine capacité ou non à ce moment, au moment où vous les avez vus être déchargés ?
Maj. PEUCHEN. J’ai vu certains canots arriver ; un canot en particulier était très rempli, avait un grand nombre de passagers. Il semblait plein à craquer. S’il en avait embarqué plus dans l’eau, je ne le sais pas.
Sénateur FLETCHER. Savez-vous quel canot c’était – son numéro, ou qui était l’officier responsable ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur ; il semblait y avoir beaucoup de passagers d’entrepont et de deuxième classe dans ce canot ; mais en tout cas, je ne les connaissais pas de vue.
Sénateur FLETCHER. Était-ce un canot pliant ?
Maj. PEUCHEN. Non ; celui-ci était un des canots classiques.
Sénateur FLETCHER. Le canot dans lequel vous étiez, vous dites, aurait pu transporter combien de personne en plus que vous en aviez ?
Maj. PEUCHEN. Eh bien, je me suis renseigné, et on m’a dit que ces canots étaient capables de transporter de 60 à 65 personnes, je suppose, selon la manière dont ils étaient disposés et comment le canot était équilibré et le poids des passagers ; mais je dois imaginer qu’ils auraient pu en transporter un bon nombre. Ils semblaient être des bateaux très solides et robustes. Le deuxième officier m’a dit, cependant, qu’ils ne pouvaient descendre des canots remplis à pleine capacité. C’était leur capacité lorsqu’ils flottaient, selon les chiffres donnés.
Sénateur FLETCHER. Et l’idée était de les remplir une fois qu’ils avaient atteint l’eau ?
Maj. PEUCHEN. Cela m’a frappé que ces canots devaient avoir une certaine capacité quand ils étaient suspendus, et devaient être alors chargés à cette capacité ; et qu’ensuite il devait y avoir des moyens de les remplir dans l’eau.
Sénateur FLETCHER. Pour aucun on n’a tenté de les remplir depuis un autre lieu que le bastingage ?
Maj. PEUCHEN. C’est le seul endroit où j’ai vu des canots chargés, monsieur.
Sénateur FLETCHER. En ce qui concerne la lumière que vous avez observée, dont vous dites que vous pensiez que c’était une hallucination, a-t-elle disparu après un moment ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; elle a disparu ; mais je ne pense pas, de ce que je connais de la plaisance, que c’était un feu de navire. Je pense que c’était un de ces reflets de lumières. Les aurores boréales étaient très fortes cette nuit-là. Ça pourrait avoir été un reflet sur la glace. Je ne suis pas convaincu que c’était le feu d’un vapeur, pas du tout.
Sénateur FLETCHER. Vous ne pouviez pas dire, du coup, bien entendu, si ça aurait été un feu de poupe ou quel type de feu cela aurait pu être sur un navire.
Maj. PEUCHEN. C’était un éclat. Ce n’était pas une lumière distincte, c’était un éclat.
Sénateur FLETCHER. Est-ce que Mr. Ismay a donné des consignes ou des ordres à bord du bateau, pour autant que vous le sachiez ?
Maj. PEUCHEN. Sur quel bateau, monsieur ?
Sénateur FLETCHER. Sur le navire. Vous dites que vous l’y avez vu.
Maj. PEUCHEN. Seulement se tenir debout. Il ne l’a pas fait en ma présence.
Sénateur NEWLANDS. Major, vous dites que c’était une nuit claire ?
Maj. PEUCHEN. Une nuit claire ; oui.
Sénateur NEWLANDS. Était-elle claire quand vous étiez sur l’eau sur ce canot comme elle l’était avant la catastrophe ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; c’était une belle nuit. C’était une nuit sombre, mais éclairée par les étoiles. On pouvait voir à une certaine distance. On pouvait voir un autre canot sans lumière, à un peu de distance, grâce aux ombres.
Sénateur NEWLANDS. Combien d’heures avez-vous été sur l’eau, pensez-vous ?
Maj. PEUCHEN. Je pense que nous sommes arrivés au Carpathia plutôt tard. J’imagine que nous sommes restés au moins huit heures sur l’eau.
Sénateur NEWLANDS. Vers quelle heure avez-vous atteint le Carpathia ?
Maj. PEUCHEN. C’est après 8 heures que j’ai regardé ma montre ; c’est à peu près après 8 heures que nous sommes montés.
Sénateur NEWLANDS. À quelle heure le jour s’est-il levé ?
Maj. PEUCHEN. Nous pouvions tout juste commencer à distinguer la lumière, je pense, vers 4 heures.
Sénateur NEWLANDS. Quelle était la réponse ?
Maj. PEUCHEN. Vers 4 heures.
Sénateur NEWLANDS. Avant 4 heures, quand vous dériviez dans l’eau, avez-vous vu des icebergs ?
Maj. PEUCHEN. Non, nous n’avons pas dérivé près de quoi que ce soit ; nous avons vu –
Sénateur NEWLANDS. Quand l’aube s’est levée, vous êtes-vous trouvé près d’icebergs ?
Maj. PEUCHEN. Nous avons constaté qu’il y avait une sorte de champ d’icebergs. Il y avait des icebergs dans une direction, probablement à un mile de distance, et un autre iceberg dans une autre direction, probablement à un demi-mile de distance, et un autre iceberg par-là, probablement à 5 miles.
Sénateur NEWLANDS. Y avait-il des champs de glace ?
Maj. PEUCHEN. Je n’en ai pas relevé dans la matinée. J’étais occupé à ramer, car j’ai ramé tout le temps. Mais quand nous avons commencé à faire route sur le Carpathia, je pouvais voir ce champ de glace de 4 miles de long.
Sénateur NEWLANDS. Avez-vous observé un de ces champs de glace avant que vous ne soyez sur le Carpathia ?
Maj. PEUCHEN. Non, pas du tout. Enfin, je pouvais voir quelque chose comme une île au loin, mais pas aussi nettement que quand nous sommes montés sur le Carpathia.
Sénateur NEWLANDS. Mais vous pensez que quand l’aube s’est levée l’iceberg le plus proche était à un demi-mile de distance ?
Maj. PEUCHEN. Il était plus loin que ça. En ramant dans le canot je sais que nous avons pensé tout d’abord que nous devrions ramer près de l’iceberg, et nous étions alors à environ 5 miles de là, au moins. La question était de savoir si nous allions passer très près de cette île de glace ou non. L’iceberg était entre notre canot et le Carpathia.
Sénateur NEWLANDS. Tous les icebergs n’étaient pas entre vous et le Carpathia ?
Maj. PEUCHEN. Non ; c’était le seul.
Sénateur NEWLANDS. Et les autres étaient dans différentes directions ?
Maj. PEUCHEN. Oui.
Sénateur NEWLANDS. À tous les points cardinaux ?
Maj. PEUCHEN. Oui.
Sénateur NEWLANDS. Comment expliquez-vous le fait que vous ne pouviez voir aucun de ces icebergs quand vous étiez dans l’eau avant l’aube mais que vous pouviez voir un canot ?
Maj. PEUCHEN. Eh bien, ils étaient un peu plus loin que le canot ; mais nous avons repéré ces icebergs assez tôt dans la matinée, avant l’aube. C’étaient des objets sombres ; en fait, nous ne savions pas ce qu’ils étaient à ce moment.
Sénateur NEWLANDS. Avez-vous constaté qu’une nuit de cette sorte des jumelles permettent d’avoir un plus grand champ de vision ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; nous utilisons des jumelles la nuit, particulièrement quand la nuit est claire. Il y a une telle différence avec l’œil humain. Prenez 12 hommes sur un yacht et un homme verra deux fois plus loin que l’autre.
Sénateur NEWLANDS. Sans jumelles ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur.
Sénateur NEWLANDS. Je veux dire de nuit, une nuit comme celle que vous avez eue cette nuit-là, des jumelles ajouteraient-elles beaucoup à votre champ de vision ?
Maj. PEUCHEN. Je pense que oui. Je peux mieux voir avec des jumelles la nuit qu’à l’œil nu.
Sénateur NEWLANDS. Avez-vous une idée de la portée qu’elles ajoutent ?
Maj. PEUCHEN. Par exemple si vous regardez la lune de nuit avec des jumelles vous pouvez tout voir distinctement, et à l’œil nu vous ne pouvez pas.
Sénateur NEWLANDS. Et qu’en est-il en ce qui concerne des objets en mer ?
Maj. PEUCHEN. Je pense que des jumelles vous aident, pour peu qu’il fasse assez clair.
Sénateur NEWLANDS. Et vous pensez que cette nuit était assez claire ?
Maj. PEUCHEN. Je pense que ça aiderait. Je pense vraiment que si nous avions eu un projecteur de recherche, cependant, cela aurait sauvé le navire.
Sénateur SMITH. Vous dites que le deuxième officier vous a dit qu’il ne pouvait pas descendre les canots s’ils étaient remplis à leur pleine capacité ?
Maj. PEUCHEN. Le deuxième officier m’a fait demander à bord du Carpathia, car il avait entendu des plaintes des dames à propos de ce quartier-maître, et tant que j’y étais je lui ai posé la question concernant le chargement de ces canots, et il m’a dit que ces canots avaient été remplis juste comme il fallait pour les descendre depuis le haut du pont.
Sénateur NEWLANDS. Il vous a dit cela après que le Titanic a coulé ?
Maj. PEUCHEN. Oui. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi il y a de si gros blocs et appareils de levage, s’ils ne peuvent mettre qu’un si petit nombre de personnes, car le poids de 24 personne est seulement d’une tonne et demie environ, en tonnes anglaises.
Sénateur SMITH. Bien, Major, certains de ces canots contenaient bien plus de gens que votre canot ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; mais je ne sais pas s’ils avaient été récupérés après ou non.
Sénateur SMITH. Ou s’ils avaient été descendus depuis le Titanic, vous ne le savez pas ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Vous n’avez rien entendu de ce genre pendant que ces deux canots étaient descendus ?
Maj. PEUCHEN. Entendu quoi ?
Sénateur SMITH. Avez-vous entendu le deuxième officier dire qu’ils ne pouvaient être que partiellement remplis et descendus en toute sécurité ?
Maj. PEUCHEN. Non ; il n’a pas fait de remarque de ce genre, monsieur. Je pense que c’était dû au fait que nous n’avions pas plus de femmes à y faire embarquer.
Sénateur SMITH. Vous n’aviez plus de femmes à embarquer, et ils devaient être descendus sans être remplis ?
Maj. PEUCHEN. Je ne sais pas exactement ce que « rempli » signifie dans ce cas – rempli depuis le pont. J’ai parlé à l’officier à ce sujet deux jours après, et il m’a dit que c’était la raison pour laquelle ils n’étaient pas remplis, qu’ils étaient juste remplis de façon adaptée pour une descente de cette hauteur.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu des fusées être tirées depuis le Titanic dans les 15 ou 20 ou 30 minutes avant son naufrage?
Maj. PEUCHEN. Je ne sais pas pour ce moment avant le naufrage, mais pendant que nous descendions le canot ils envoyaient des fusées.
Sénateur SMITH. Ils les envoyaient de quel pont ?
Maj. PEUCHEN. Depuis la passerelle, je dirais.
Sénateur SMITH. Des fusées de quelle couleur – rouge et toutes les couleurs ?
Maj. PEUCHEN. Plutôt comme des fusées ordinaires, qui montent et explosent, et différentes couleurs qui retombent.
Sénateur SMITH. Savez-vous pourquoi elles étaient tirées ?
Maj. PEUCHEN. Car nous voulions des secours.
Sénateur SMITH. Saviez-vous si des secours étaient disponibles ?
Maj. PEUCHEN. Non. Je pense que s’il y avait eu des secours disponibles on nous l’aurait dit quand nous avons quitté le navire. Nous ramions aux alentours, et si nous avions su qu’un navire venait nous n’aurions pas commencé à ramer vers une lumière imaginaire, tentant de parcourir de nombreux miles. Je ne sais pas s’ils avaient cette information ou pas.
Sénateur SMITH. Avez-vous entendu le témoignage disant qu’une lumière avait été repérée, ou un navire repéré à 5 miles devant le Titanic, après la collision ?
Maj. PEUCHEN. J’ai lu dans le journal du matin qu’il y avait eu des témoignages à ce sujet hier.
Sénateur SMITH. Mais vous n’avez rien entendu à ce propos à bord du Carpathia ?
Maj. PEUCHEN. Non; et je ne l’ai pas vu.
Sénateur SMITH. Quand vous et Mr. Hays êtes allés à l’avant regarder la glace, quelle quantité en avez-vous vu ?
Maj. PEUCHEN. Je dirais environ 4 pieds et demi de glace, probablement d’un pouce et demi à deux pouces d’épaisseur. C’est-à-dire, c’était plus épais sur le bastingage que ça l’était sur la proue, j’ai entendu les hommes marcher dessus, et ça craquait sous leurs pieds.
Sénateur SMITH. Voulez-vous que l’on comprenne que vous dites que vous avez vu une partie de l’iceberg qui avait été arrachée par l’impact ?
Maj. PEUCHEN. Oui ; en quelque sorte secouée. Comme on le longeait, ça a dû gratter.
Sénateur SMITH. Avez-vous regardé l’iceberg lui-même ?
Maj. PEUCHEN. Oh, je ne l’ai pas vu ; il était passé.
Sénateur SMITH. Vous ne l’avez pas vu ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Vous ne pouviez pas décrire sa couleur ou son apparence ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Avez-vous parlé avec Mr. Fleet, l’homme dans la vigie, qui était sur votre canot ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. À propos de cet iceberg ?
Maj. PEUCHEN. Oui. Je lui ai parlé à ce propos.
Sénateur SMITH. Que lui avez-vous dit à ce propos ?
Maj. PEUCHEN. J’ai été intéressé quand j’ai appris qu’il était dans le nid-de-pie, et j’ai demandé « Que s’est-il passé ? » Dans la discussion il a dit qu’il avait sonné trois coups de cloche, puis signalé à la passerelle.
Sénateur SMITH. A-t-il dit à quelle distance était l’iceberg quand il l’a vu pour la première fois ?
Maj. PEUCHEN. Non ; il ne m’a pas dit ça.
Sénateur SMITH. A-t-il dit à quoi il ressemblait quand il l’a vu ?
Maj. PEUCHEN. Non ; il n’en a pas parlé. La seule chose qu’il a dite est qu’il n’a pas eu de réponse de la passerelle.
Sénateur SMITH. Par téléphone ?
Maj. PEUCHEN. J’ai entendu ensuite qu’en réalité les officiers n’ont pas besoin de répondre.
Sénateur SMITH. C’est-à-dire, l’information est donnée du nid-de-pie à l’officier sur la passerelle, et c’est la fin de pour cette information ?
Maj. PEUCHEN. J’ai parlé au deuxième officier sur le navire à propos de cette conversation ; il m’a dit que c’est simplement une question de si l’officier veut répondre ou non. Il obtient l’information, probablement, et agit directement avec sans tenter de répondre au nid-de-pie.
Sénateur SMITH. Vous a-t-il dit quoi que ce soit de plus à propos de l’iceberg et de la collision que ce que vous avez déclaré ?
Maj. PEUCHEN. C’est tout. Ils ont eu une petite conversation – le quartier-maître leur demandait qui était sur la passerelle et ils appelaient, et ils ne savaient pas quel officier était sur la passerelle, et le quartier-maître appelait un autre bateau, le quartier-maître ou quiconque était en charge de cet autre bateau.
Sénateur SMITH. Un autre canot ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur.
Sénateur SMITH. Depuis votre canot ?
Maj. PEUCHEN. Oui, monsieur ; ils n’étaient pas loin.
Sénateur SMITH. Qu’a-t-il dit ?
Maj. PEUCHEN. Je n’ai pas entendu la réponse.
Sénateur SMITH. Non ; je veux dire qu’a dit le quartier-maître ?
Maj. PEUCHEN. Il a dit « Vous savez qu’un officier était en service sur la passerelle quand nous avons heurté. » Pour autant que je me souvienne, l’officier était en charge de l’autre canot. Je ne savais pas ; il n’était peut-être pas en service.
Sénateur SMITH. Et la vigie du nid-de-pie ne semblait pas savoir ?
Maj. PEUCHEN. Non.
Sénateur SMITH. J’aimerais vous demander si, de ce que vous avez observé, à votre avis, l’équipage était adéquatement discipliné pour charger les canots ?
Maj. PEUCHEN. Vous voulez savoir s’il y avait de la discipline dans le chargement des canots par l’équipage ?
Sénateur SMITH. Oui ; s’il y avait de l’ordre ou de la discipline à ce propos, s’ils étaient remplis systématiquement et avec soin, avec de l’attention pour les vies des passagers, et en considérant le danger auquel vous étiez exposés ?
Maj. PEUCHEN. Parmi ceux de l’équipage que j’ai vus travailler, pour charger les canots, descendre les canots, et remplir les canots, la discipline n’aurait pas pu être meilleure.
Sénateur SMITH. La discipline n’aurait pas pu être meilleure ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur ; mais ils étaient trop peu.
Sénateur SMITH. Trop peu d’entre eux ?
Maj. PEUCHEN. Trop peu, oui. Enfin, je ne parle que du côté bâbord du navire, où je me trouvais être. Je ne peux pas parler pour tout le navire.
Sénateur SMITH. Non. J’ai dit à partir de vos observations.
Maj. PEUCHEN. Oui, juste à partir de ça. J’étais surpris de ne pas voir plus de marins à leurs postes. J’étais aussi surpris que les canots ne soient pas remplis avec plus de personnes.
Sénateur SMITH. Chaque canot constitue un poste ?
Maj. PEUCHEN. Oui, c’est ce que j’ai compris.
Sénateur SMITH. Chaque canot ?
Maj. PEUCHEN. Oui.
Sénateur SMITH. Et de vos observations, est-ce que je comprends bien que vous dites qu’il n’y avait pas de marin à chaque poste ?
Maj. PEUCHEN. Oh, je ne dis pas qu’il n’y avait pas un marin à chaque poste, mais il n’y avait pas d’équipe complète.
Sénateur SMITH. Il n’y avait pas l’équipe complète ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur. De ce que j’ai pu apprendre j’ai compris que ces hommes avaient été désignés ; c’est-à-dire que chaque homme avait été assigné à son poste, mais ils n’avaient pas d’entraînement, de ce que j’ai appris en parlant avec l’équipage.
Sénateur SMITH. Avez-vous vu un exercice par vous-même ?
Maj. PEUCHEN. Oh, non ; il n’y a pas eu d’exercice. En règle générale le dimanche est le jour où ils font des exercices ; mais je n’ai pas vu d’exercice le dimanche.
Sénateur SMITH. Auriez-vous été susceptible de le voir s’il avait eu lieu ?
Maj. PEUCHEN. Oui. C’est très intéressant et j’ai toujours aimé voir ça. Il y a toujours un appel au clairon. Je l’ai vu, en faisant la traversée, de nombreuses fois, l’exercice d’incendie et l’exercice des canots.
Sénateur SMITH. Vous n’avez pas vu d’exercice entre le moment où vous avez quitté Southampton jusqu’au moment où l’accident est survenu ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Avez-vous, avant ou après la collision du Titanic, appris qu’il était officiellement connu du navire, dimanche, qu’il y avait des icebergs sur ou près de sa route ?
Maj. PEUCHEN. Je l’ai entendu après, mais pas avant.
Sénateur SMITH. Pas avant dimanche ?
Maj. PEUCHEN. J’ai entendu, sur le Carpathia, qu’ils s’attendaient à des icebergs ou de la glace.
Sénateur SMITH. De qui l’avez-vous entendu ?
Maj. PEUCHEN. J’ai entendu le troisième officier le mentionner simplement, banalement, à deux ou trois d’entre eux, qu’ils savaient qu’il y avait de la glace ; qu’ils approchaient de la glace.
Sénateur SMITH. À quel moment était-ce ?
Maj. PEUCHEN. Je ne sais pas. C’était sur la fin du Carpathia.
Sénateur SMITH. Sur la fin du voyage du Carpathia ? [Il peut ici y avoir confusion : pour « fin », Peuchen utilise « fore part », que Smith comprend comme « la fin du voyage » mais qui pourrait aussi désigner la partie avant du navire. NdT]
Maj. PEUCHEN. Oui.
Sénateur SMITH. Semblaient-ils plutôt d’accord sur le fait que c’était le cas, ou y avait-il débat à ce sujet ?
Maj. PEUCHEN. Non ; il n’y avait pas de débat. C’était juste une remarque faite en passant.
Sénateur SMITH. Vous ne savez pas par qui ?
Maj. PEUCHEN. Si ; je sais qu’elle était faite par le troisième officier.
Sénateur SMITH. Par le troisième officier ?
Maj. PEUCHEN. Oui.
Sénateur SMITH. Y a-t-il quelque chose de plus ? Je pense que c’est tout, Major.
Maj. PEUCHEN. Pourrais-je juste faire une petite déclaration, monsieur ? Ce ne sera pas très long.
Sénateur SMITH. Oui.
Maj. PEUCHEN. J’ai été cité comme faisant un grand nombre de déclarations, ou disant certaines choses, et je voudrais juste clarifier cela. Je ne critique pas le Capitaine Smith, mais je critique la politique et les méthodes appliquées par la compagnie, car je suis assez certain que dans cette situation des précautions auraient été très judicieuses et auraient évité la terrible calamité. On m’a crédité pour avoir dit des choses qui sont absolument fausses et je veux déclarer que je n’ai rien dit de personnel ou de méchant à propos du Capitaine Smith. J’ai été cité disant des choses très désagréables à propos du regretté capitaine, mais je vous assure que je n’ai jamais fait de déclaration de ce genre.
Sénateur SMITH. Aviez-vous déjà navigué avec lui auparavant ?
Maj. PEUCHEN. Non, monsieur.
Sénateur SMITH. Est-ce tout ce que vous tenez à dire, Major ?
Maj. PEUCHEN. C’est tout. Je suis ici, monsieur, surtout au nom des pauvres femmes qui sont parties dans notre canot. Elles m’ont demandé si je ne pouvais pas venir et dire à cette commission d’enquête ce que j’avais vu, et quand vous m’avez télégraphié, monsieur, je suis venu aussitôt, sans être pressé d’aucune façon, simplement pour tenir ma promesse aux pauvres femmes de notre canot.
Sénateur SMITH. Le comité vous est grandement reconnaissant, Major. Vous pouvez disposer.
Avec l’accord du comité, nous allons faire une pause jusqu’à 10 heures demain matin.
Mr. Fleet, vous pouvez disposer jusqu’à 10 heures demain.
À 17 h 40, le sous-comité a été ajourné à demain, mercredi 24 avril 1912, à 10 heures.